Le 8 octobre, dans le cadre de la proposition de loi transpartisane visant à renforcer le droit à l'avortement, l'Assemblée nationale étudiera, en première lecture, un allongement des délais légaux d'interruption volontaire de grossesse (IVG) de deux semaines, les faisant passer de 12 à 14 semaines. Ce lundi 28 septembre, journée mondiale du droit à l'avortement, plusieurs élu·e·s, soignantes et associations féministes ont publié une tribune détaillant pourquoi ce projet était essentiel.
"La loi française autorise l'avortement jusqu'à douze semaines de grossesse. Chaque année, en France, quelque 3 000 à 5 000 femmes sont contraintes de partir avorter à l'étranger du fait du dépassement des délais légaux (l'Espagne autorise déjà l'IVG jusqu'à 14 semaines sans justification, ndlr)", détaillent les signataires dans les colonnes de Libération. "Et combien d'autres ne peuvent assumer les nombreux frais que cela implique en matière de déplacement, d'hébergement et de coût de l'intervention ?"
Ghada Hatem, gynécologue, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, Laurence Rossignol, ancienne ministre des Droits des femmes et sénatrice PS, le collectif Minute Simone ou encore l'actrice et réalisatrice Julie Gayet, toutes signataires du texte, estiment que ces coûts discriminent justement un nombre incalculable de personnes enceintes qui devront assumer leur grossesse jusqu'au terme. Et l'affirment : "Les conséquences (...) peuvent être dramatiques : problèmes psychosociaux, rejet ou abandon du bébé, difficultés dans l'exercice des fonctions parentales."
Interrogée par Aufeminin, Mélanie Horoks, médecin à la Maison des femmes de Saint-Denis, revient sur les inégalités sociales et économiques auxquelles sont confrontées celles qui ont dépassé les délais. "Si vous avez les moyens, vous avez une chance de plus, comme dans beaucoup de domaines d'ailleurs... C'est très injuste." Pour la spécialiste, cette loi représenterait une véritable avancée pour les droits des femmes. "Ce serait aider un certain nombre d'entre elles, pour qui les circuits se compliquent énormément parce qu'elles n'ont pas été prises en charge à temps."
Elle évoque aussi la clause de conscience, dont la suppression sera également examinée le 8 octobre, et son caractère contreproductif lorsqu'inscrit dans la loi. "C'est une manière de stigmatiser cet acte d'avortement", lance-t-elle. "En réalité, aucun médecin n'est obligé de pratiquer quelconque acte que ce soit, sauf s'il s'agit de sauver la vie de quelqu'un. Donc ce n'est pas utile de préciser qu'un médecin peut refuser l'IVG, car chacun à ses pratiques et ses affinités... Alors pourquoi l'inscrire dans la loi ? (...) cela appuie sur le fait qu'on aurait matière à refuser de le faire"
A celles et ceux qui accuseraient les concernées de ne pas avoir eu recours à la procédure plus tôt, la tribune rétorque : "Nous rappelons qu'aucune d'entre elles ne reporte sa décision par distraction, par manque de temps ou par plaisir. Le dépassement des délais légaux est davantage le reflet des difficultés de parcours et d'accès des femmes à l'IVG que celui de leur difficulté à faire un choix." Et martèle : "Pour que l'IVG soit un droit pour toutes, et non pas seulement pour celles qui en ont les moyens, la loi doit changer."
Pendant le confinement, une proposition d'amendement de la part de Laurence Rossignol visait déjà à allonger, pendant la durée de l'état d'urgence lié à la crise sanitaire, les délais de deux semaines. Celle-ci a cependant été rejeté par le Sénat, à treize voix près, à la fin du mois de mai dernier. Un résultat qui, on l'espère, ne se produira pas une nouvelle fois.