Pour une femme victime de violences conjugales, quitter le domicile s'avère une véritable épreuve....parfois insurmontable. Comme l'a montré le récent reportage d'Envoyé Spécial intitulé "La Mécanique du crime", une jeune femme originaire du Sud de la France a perdu la vie après avoir annoncé à son compagnon qu'elle le quittait : celui-ci n'a pas supporté et l'a tuée. Malheureusement, son cas est loin d'être isolé : en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint.
Outre-Atlantique, la violence conjugale sévit aussi. D'après l'Enquête sociale générale de Statistique Canada, 760 000 Canadiens ont admis avoir subi des sévices physiques ou sexuels de la part de leur partenaire entre 2009 et 2014. Pour porter secours aux victimes, Marc Hull-Jacquin, un Canadien originaire de Toronto a eu l'idée de créer Shelter Movers, un organisme à but non lucratif, destiné à offrir une sécurité aux personnes qui subissent des violences conjugales et qui trouvent le courage de déménager.
"Chaque matin, à Ottawa, à Toronto ou dans une autre grande ville canadienne, il y a littéralement des milliers de femmes et d'enfants qui sont victimes de violence", a expliqué Marc Hull-Jacquin dans une interview pour la chaîne canadienne CBC.
Le premier centre a vu le jour en 2016 à Toronto et le second en 2017, à Ottawa. Plus précisément, les services proposés par Shelter Movers permettent aux victimes de déménager en récupérant toutes leurs affaires.
Comme l'explique Marc Hull-Jacquin, les appels à l'aide reçus par le Shelter Movers proviennent la plupart du temps de refuges pour femmes mis en place dans la ville d'Ottawa. Or, ces dernières n'ont souvent pas la possibilité d'emporter toutes leurs affaires.
"Imaginez-vous dans cette situation : prenez tout ce qui compte vraiment pour vous, mettez-les dans les sacs pendant que [l'agresseur] est au travail, et vous ne reverrez jamais le reste de vos affaires", explique le fondateur de Shelter Movers.
Avant de lancer un processus de déménagement, les services de Shelter Movers analysent chaque situation et évaluent les risques (plus ou moins grands) encourus par chaque femme selon sa situation afin de lui fournir la meilleure protection possible.
Intervention de la police, sécurité privé, compagnies d'entreposage... tout est prévu pour que le déménagement se déroule sans incident. Les équipes de déménageurs bénévoles seront composées d'un homme et d'une femme, de sorte que à ce que les femmes se sentent à l'aise. Des vétérinaires sont même sollicités sur place lorsque la victime qui quitte son domicile possède des animaux de compagnie.
"La discrétion est très importante dans le processus, souligne Marc Hull-Jacquin. "Nous sommes à l'extérieur, nos bénévoles portent des vêtements ordinaires, nous avons des véhicules banalisés, nous sommes juste des amis qui aident quelqu'un à ramasser quelque chose ou à sortir ses affaires. Nous planifions tout pour être certains que l'agresseur ne sera pas sur place, et s'il est là, nos volontaires et notre personnel de sécurité sont formés pour lui parler et évaluer la situation", explique-t-il.
Depuis sa création, Shelter Movers a déjà supervisé plus de 300 déménagements. Marc Hull-Jacquin précise n'avoir rencontré que 7 ex-conjoints des victimes au cours de ces interventions.
Ce père de famille, ancien employé dans une société de gaz naturel, a eu l'idée de créer Shelter Movers en découvrant l'existence de Meathead Movers, une compagnie californienne qui recoit des appels de femmes leur demandant de les aider à déménager pendant que leur partenaire est absent.
"Il s'agit d'un problème omniprésent qui ne touche pas seulement un groupe de personnes en particulier. Cela touche tous les milieux socio-économiques des villes, et je pense que c'est quelque chose dont nous devons parler", estime le créateur de Shelter Movers.