Société
Faut-il punir les médecins qui délivrent des "certificats de virginité" ?
Publié le 8 septembre 2020 à 12:00
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
En cette rentrée, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa ont indiqué vouloir "interdire formellement" les certificats de virginité. Un sujet qui fait débat.
Le "certificat de virginité", un sujet polémique. Le "certificat de virginité", un sujet polémique.© Adobe Stock
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"Nous voulons interdire les certificats de virginité avec Gérald Darmanin. C'est une pratique ignoble et indigne". Sur les réseaux sociaux, la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa a fait couler beaucoup d'encre. Car cette déclaration politique en appelle d'emblée à une grande question : c'est quoi au juste, un certificat de virginité ?

Comme l'indique RTL, il s'agit d'un document constitué suite à une consultation médicale. Le médecin vérifie l'état de l'hymen de sa (jeune) patiente. Selon que celui-ci soit ou non déchiré, médecin ou sage-femme conclura de la virginité éventuelle de la patiente. Ce genre de certificat est encore demandé "au sein de certaines communautés", mais aussi que cet examen peut se faire "pour prouver un viol".

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de son côté, y voit avant tout "une violation des droits fondamentaux des femmes et des filles", condamnant les pays qui y ont recours. Violation d'autant plus aberrante d'ailleurs que l'état de l'hymen n'a que peu de rapport avec ce que l'on appelle "la virginité" (savoir s'il y a eu pénétration). En fait, l'hymen "n'est pas un indicateur de virginité, puisque 50% des adolescentes sexuellement actives ont un hymen intact et que celui-ci est bien souvent très flexible", explique à ce titre la gynécologue américaine Jennifer Gunter. CQFD.

C'est dire si ce concept de certificat interroge autant qu'il angoisse.

"Punir les parents qui exigent ça"

Mais la pénalisation des médecins que pourrait engendrer son interdiction suscite quant à elle des opinions bien plus contradictoires. Celle de la gynécologue obstétricienne et la Maison des femmes à Saint-Denis, Ghada Hatem par exemple. Pour elle, cette répression gouvernementale "n'a pas de sens". Du côté de LCI, la médecin-cheffe avance qu'il faudrait mieux "punir les parents qui exigent ça que le médecin qui essaye d'aider sa patiente."

Elle poursuit : "Je fournis parfois un certificat à une jeune femme que je n'examine même pas. Si elle a besoin d'un papier disant qu'elle est vierge pour lui sauver la vie, je le fais". Protéger les filles et les femmes - parfois "en danger de mort" - et les écouter : c'est, plus que la pénalisation des médecins, ce que prescrit Ghada Hatem. Mais Marlène Schiappa n'en démordent pas. Aujourd'hui, elle promet sur RTL l'interdiction imminente de ces certificats. Et précise que leur attribution par un médecin pourrait dès lors engendrer des poursuites.

Ce n'est pas la première fois que le "certificat de virginité" squatte le débat public, loin de là. Et pas juste en France d'ailleurs. Outre-Atlantique, le rappeur américain T.I. affirmait déjà l'an dernier faire passer des "tests de virginité" annuels à sa fille depuis ses seize ans. Au coeur de ces tests, le même examen médical. En début d'année, nous apprenions le succès au Royaume-Uni d'un marché lugubre, celui des "réparateurs de virginité". A savoir, des médecins payés une petite fortune pour "réparer" l'hymen de jeunes patientes avant que celles-ci ne passent des examens médicaux souhaités par leurs parents - ces derniers exigeant leur virginité.

Test ou certificat, peu importe. Comme l'énonce ce rapport de l'OMS, ces examens sont "inutiles et souvent douloureux, humiliants et traumatisants, enracinés dans des systèmes bien établis de discrimination à l'égard des femmes et des filles". Autrement dit, par-delà l'autorité parentale, ils sont l'incarnation d'une certaine violence patriarcale qui investit le corps des femmes dès leur plus jeune âge. Une oppression qui perdure.

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