L'Afghanistan a beau ne plus être sous le joug des talibans depuis 2001, certaines de leurs pratiques rétrogrades et dégradantes continuent de perdurer dans le pays. C'est le cas des tests de virginité, auxquels le New York Times consacrait un article en mars dernier. Le quotidien américain rapportait que dans les prisons du pays, les femmes détenues pour des crimes moraux mineurs étaient régulièrement soumises à des tests de virginité forcés par l'administration des prisons.
Effectués sans distinction sur les filles et femmes jugées coupables de relations sexuelles hors-mariage, ces tests de virginité intrusifs et dégradants sont encore aujourd'hui pratiqués malgré leur interdiction formelle par le président afghan Ashraf Ghani. En février 2016, ce dernier affirmait dans une lettre adressée à Human Rights Watch vouloir "prévenir l'emprisonnement des femmes accusées de fuir leur famille".
Pourtant, cette violation systématique du corps des femmes n'a aucune valeur scientifique. Dans un rapport datant de 2014, l'Organisation mondiale de la Santé mettait en garde l'Afghanistan contre ces tests de virginité supposés contrôler la "pureté" d'une femme en inspectant son hymen, cette fine membrane séparant le vagin de la vulve et qui se rompt généralement lors des premiers rapports sexuels. Or, rappelle l'OMS, il est fréquent qu'un hymen se rompt sous l'effet d'une activité sportive. Certaines femmes en sont même dépourvues à leur naissance.
Les mises en garde répétées de l'OMS et de Human Rights Watch n'empêchent cependant pas les agents gouvernementaux de continuer de se livrer à cette pratique abusive. Dans un rapport rendu public le 29 février 2016, la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan (AIHRC) expliquait s'être entretenue avec 53 femmes accusées en 2015 de crimes moraux. Parmi elles, 48 ont été soumises à des examens gynécologiques non-consentis. "Ces soi-disant tests de virginité ne sont pas seulement humiliants. Ils constituent une agression sexuelle et sont souvent utilisés au tribunal comme preuve du 'crime' que constitue le sexe hors-mariage", explique Heather Barr, chercheuse spécialiste de l'Afghanistan à Human Rights Watch. Or, rappelle l'AIHRC, les femmes fuyant leur foyer tentent généralement d'échapper à un mariage forcé ou de fuir un conjoint violent.
Ils sont réalisés sur des femmes généralement effrayées, sans que leur consentement n'ait été recueilli. "Les circonstances dans lesquels ces tests de virginité sont réalisées ne sont jamais humaines, affirme Soraya Sobhrang, commissaire à la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan au New York Times. Dans le cadre de tests de virginité, personne ne demande le consentement de la victime ou de la suspecte. 99% pour cent des tests de virginité sont menées par la force et en dehors de toute légalité."
Ainsi, à Kaboul, le petit centre médico-légal où sont pratiqués ces tests ne dispose pas d'une salle d'examen. Les femmes sont auscultées dans un débarras. Pour préserver leur intimité, un drap noir a été suspendu à la fenêtre.
Interrogé au sujet des tests de virginité, le bureau du président Ghani a réitéré sa volonté de les éradiquer. "Cependant, cette pratique existe depuis longtemps, et elle est utilisée à tort par les autorités appliquant la loi, en particulier la police. Cela va prendre un certain temps pour qu'elle ne disparaisse, admet-il. Mais nous sommes déterminés à changer cette pratique." Le gouvernement a d'ailleurs demandé une étude complète sur ces tests de virginité afin de mesurer l'impact-psychologique qu'ils ont sur les femmes.
Quinze ans après la chute du régime islamiste taliban suite à l'intervention américaine, des progrès ont pourtant été réalisés en matière de droits des femmes dans le pays. Aujourd'hui, 28% des membres du Parlement afghan sont des femmes. Elles sont aussi de plus en plus nombreuses dans les forces de police, dans l'enseignement et la recherche. Cependant, les violences envers elles perdurent dans ce pays où les traditions patriarcales ont force de loi, notamment dans les régions les plus rurales et reculées. Soumises à la loi islamique, elles ne peuvent sortir sans porter la burqa et son asujetties à l'autorité de leur mari. The Nation rapportait ainsi fin décembre qu'une femme a été décapitée dans la province de Sar-e-Pu, au nord de l'Afghanistan. Son crime ? S'être rendue sans son mari dans un magasin pour y faire du shopping.