Elles sont accusées de « dégrader » l’image des femmes et de « répandre l’immoralité ». En début de semaine, le gouvernement afghan, nouvellement formé, a lancé une surprenante campagne visant à faire disparaître les femmes de tous les messages publicitaires. Coupé de toute influence occidentale entre 1996 et 2001, alors qu’il était dirigé par les Talibans, le pays s’est depuis ouvert à l’économie de marché. Résultat, des publicités vantant les mérites de compagnies d’assurances ou de téléphones mobiles ont logiquement commencé à fleurir dans les rues de ce pays très patriarcal et à se multiplier à la télévision. Et afin d’attirer les consommateurs (et les consommatrices), certains de ces messages publicitaires mettent en scène des femmes, voilées le plus souvent. Mais, le gouvernement n’est visiblement pas prêt à ce que l’image de la femme, aussi policée soit-elle, serve les intérêts commerciaux des entreprises.
« Toutes les publicités dans lesquelles les femmes sont utilisées comme décoration et comme mode, et comme outil pour gagner de l’argent, dégradent en fait les femmes afghanes », a ainsi estimé le ministère de l’Intérieur afghan, dans un communiqué que s’est procuré l’AFP (Agence France Presse). Par conséquent, le ministère a purement et simplement demandé aux médias « d’éviter de diffuser toutes les publicités qui font la promotion de la destruction culturelle, répandent l’immoralité et mènent l’esprit des jeunes à l’immoralité ».
Outre le caractère extravagant de ce communiqué qui n’a aucune valeur législative, ces recommandations interrogent sur la position du gouvernement vis-à-vis de l’émancipation des femmes. En effet, lors de son investiture, le 29 septembre dernier, le nouveau président afghan Ashraf Ghani, s’était pourtant engagé à améliorer le statut et les droits des femmes (quasi-inexistants) de son pays. Dans son discours, et afin de prouver ses bonnes intentions, il avait même rendu hommage à son épouse Rula Ghani. Récemment de passage en France, cette dernière - qui a par ailleurs étudié à Sciences-Po Paris -, a confié son espoir de voir les hommes en Afghanistan reconnaître, au terme du mandat de son mari, le rôle joué par leurs femmes, filles et sœurs dans la société. Problème, si elle était prise en compte par les médias, la préconisation du ministère de l’Intérieur aurait davantage tendance à rendre les Afghanes encore plus invisibles qu’elles ne le sont déjà dans leur pays.