"La semaine dernière, une camionnette est passée à côté de moi pendant que je faisais mon jogging. Le mec qui était dedans m'a dit : 'ça a changé le tapin !'. J'ai halluciné". Des paroles accablantes comme celles de Clémence, recueillies dans nos pages, il y en a eu beaucoup hélas - et surtout beaucoup trop - durant ces nombreuses semaines de confinement. Oui, les harceleurs étaient de sortie, même en temps de pandémie.
Les porcs, comme le coronavirus, ne prennent pas de vacances, c'est un fait. Mais à l'heure du déconfinement se pose la grande question : alors, on fait quoi maintenant ? Marlène Schiappa apporte des éléments de réponse. Sur les réseaux sociaux, elle annonce le lancement d'une initiative : le plan Angela. Soit le déploiement d'un "réseau de lieux sûrs" au sein du territoire. Des endroits où les victimes peuvent trouver refuge et secours.
Mais quels lieux sûrs ? Et bien, des restaurants, commerces et bars "labellisés" vers lesquels les femmes harcelées et agressées pourront se diriger. Pour faire part de leur situation il leur suffira de dire aux commerçants : "Je demande à voir Angela". Un dispositif qui rappelle l'ingénieux subterfuge des "cocktails fictifs" employé dans certains bars, du Royaume Uni (la campagne Ask for Angela) à Rennes (l'Oeil d'Horus au Meltdown) : lorsqu'elles sont harcelées, les clientes commandent une boisson fictive au barman afin de demander de l'aide.
Une réponse directe à cette situation plus que critique pour les femmes et leur sécurité.
"Angela" n'arrive pas seule dans l'Hexagone. Cette initiative a effectivement été pensée en partenariat avec des ONG dont l'engagement n'est plus à prouver (ONU Femmes, l'agence de l'Organisation des Nations unies) et des initiatives féministes (HeForShe, la campagne de solidarité pour l'égalité des sexes lancée par ONU Femmes). Pour Marlène Schiappa, l'objectif est limpide : faire en sorte que les femmes "puissent être libres d'aller et venir dans l'espace public". Une volonté élémentaire, et pourtant si idyllique encore en 2020...
"Aller et venir", oui, mais pas seulement dans les établissements les plus familiers du pays - des restos aux pharmacies, déjà prises en considération dans le cadre des violences conjugales. La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité femmes-hommes souhaite également déployer le système d'alerte jusqu'aux transports en commun et autres VTC. Un protocole salutaire, mais qui ne doit pas faire oublier que les déplacements en VTC ne sont pas toujours exempts de violences. On l'a vu notamment à travers les très nombreux témoignages de victimes de harcèlement et d'agression sexuelle recueillis à travers le mot-clé #UberCestOver. Édifiant.
Apparemment consciente de ces réalités, Marlène Schiappa a d'ors et déjà confirmé l'organisation d'un module de formation sur les violences sexistes et sexuelles destiné aux chauffeurs VTC - une formation qui devrait être obligatoire, comme le détaille le Huffington Post. Et la politicienne d'ajouter : "Notre volonté, c'est de faire en sorte que 'ce réseau de lieux sûrs' soit le plus large possible. Au début, on en aura peut-être 5, 10, 20, 50, et puis ensuite, ça ira plus loin". Une ambition au long cours donc, pour une situation d'urgence nationale.