L'heure est-elle au basculement ? Depuis l'exploitation en salles de son film J'accuse, et plus encore, depuis l'annonce des douze nominations attribuées audit film par l'Académie des César (une véritable insulte au mouvement #MeToo), les pétitions et appels au boycott se multiplient à l'encontre de Roman Polanski et des institutions qui l'honorent. Ces protestations émanent de nombreuses associations féministes, mais également de personnalités du milieu du spectacle. Cette semaine encore, des associations comme Osez le Féminisme, Le Planning Familial et Les Chiennes de garde ont ainsi partagé une lettre ouverte destinée "aux professionnel·les du cinéma votant pour les César", les invitant à ne plus "célébrer un agresseur comme Roman Polanski".
Et du côté des César justement, les choses évoluent. Ou plutôt s'ébranlent. L'espace d'un court communiqué, l'Académie a effectivement annoncé, ce 13 février, la "démission collective" de son conseil d'administration. Il faut donc s'attendre, à seulement deux semaines de la prochaine nuit des César (28 février), à un "renouvellement complet" de ladite Académie, développe ce communiqué. L'aboutissement fracassant d'une série de fiascos ?
"C'est une victoire collective obtenue grâce à tous les fronts mobilisés pour déconstruire l'entresol misogyne et intouchable de l'Académie des César", se réjouit le collectif J'accuse Polanski, composé d'associations et de collectifs féministes. Une assertion puissante qui rappelle l'étendue des mouvements entrepris à l'égard du sacre institutionnel du cinéaste ("des témoignages aux blocages de ciné, des collages aux pétitions et tribunes") mais masque une partie de la réalité. Car comme le révèle Le Monde, ce bouleversement de l'organisation et de sa direction, dans le but de "retrouver la sérénité" (dixit le communiqué) fait suite à de nombreux fiascos.
Telle cette fois où le président de l'Académie Alain Terzian a refusé que l'autrice féministe Virginie Despentes soit marraine à la soirée des Révélations des César, par exemple. C'est le jeune comédien Jean-Christophe Folly qui l'avait proposé à ce rôle. Quelques temps après ce cinglant refus, l'acteur a tout simplement dénié se rendre à ce dîner. Dévoilé par un communiqué de la Société des réalisateurs français, ce curieux "non" masque un autre refus : la réalisatrice Claire Denis, elle aussi, aurait été écartée de cette soirée par le président. Ce dernier "a reconnu s'être pris les pieds dans le tapis", précise Le Monde. Des excuses qui arrivent bien tard.
Cette semaine, de nombreux membres des César dénonçaient cette attitude en en appelant, le temps d'une tribune relayée par Le Monde, à "plus de démocratie au sein de l'Académie" mais également à "une refonte en profondeur des modes de gouvernance". Parmi ces signataires, des noms prestigieux : Mathieu Amalric, Jeanne Balibar, Leïla Bekhti, Bérénice Bejo, Omar Sy, Céline Sciamma, Karin Viard...
Et ces "bévues" ne viennent qu'alourdir une succession de déclarations et postures retardataires et maladroites. En ce mois de février, Alain Terzian avait décidé de réagir aux nombreuses critiques émises à l'égard de l'Académie, et plus précisément de son absence alarmante de parité. Rappelons que sur l'intégralité des membres de ladite académie, seuls 35 % sont des femmes, en dépit de l'ancienneté de l'événement - la première nuit des César nous renvoyant à l'année 1976. Seulement 35 % de femmes sur pas moins de 4 680 membres ! Le président avait dès lors promis une meilleure représentativité. Tout en l'avouant : "On aurait pu se réveiller plus tôt". Et pour cause, cela fait 17 ans déjà qu'Alain Terzian occupe ce poste.
Ce désir d'égalité professionnelle, avait ajouté ce dernier devait être une "révolution culturelle". Cette démission collective en serait-elle l'étincelle ? Pour expliquer cette décision, Le Monde avance d'autres arguments : le manque de renouvellement significatif de l'Académie au gré des décennies (notamment au sein du conseil d'administration), les nombreux désaccords internes exprimés suite aux douze nominations attribuées à J'accuse, mais aussi "la gestion autocratique de son président". Un sacré palmarès !
"Quand on se mobilise, le choses bougent !", observe aujourd'hui le collectif Nous Toutes, militant contre les violences sexistes et sexuelles. Un optimisme corroboré par l'ancienne porte-parole Europe Écologie-Les Verts Sandrine Rousseau, qui voit là une incidence de "l'effet Polanski". Mais les choses vont-elles vraiment bouger, alors que, comme le décrypte la critique Iris Brey, la future cérémonie annonçait une confrontation symbolique entre l'ancien monde (Roman Polanski) et le nouveau (Céline Sciamma et Adèle Haenel) ? Cela reste encore à voir. En attendant, une nouvelle direction devrait être élue après l'imminente cérémonie, prévue le 28 février prochain.