Ca, c'est la punchline que décochent bien des mecs, et pas n'importe lesquels : ceux qui réagissent un brin viscéralement aux luttes des militantes féministes. Face aux combats contre les violences sexistes et sexuelles, certains aiment à rappeler que "tous les hommes ne sont pas comme ça". Une manière plus ou moins consciente de minorer lesdites luttes. La plupart du temps, en recentrant l'attention sur soi, plutôt que de penser à l'envergure collective des enjeux de société.
Et ça, Mathieu Madénian en a un brin marre.
L'humoriste et père de famille s'est érigé en "allié" (soutien masculin de combats principalement menés par des voix féminines) en décochant cela sur le plateau de C à Vous : "L’abbé Pierre, Mazan... : après ça, on ne peut plus dire "not all men". C’est à nous d’éduquer nos enfants. À mon fils, je lui dirai : "Quand c’est non, c’est non. Et quand c’est oui, c’est rare… alors profite !"...". Une manière de mixer dans le même sac les dizaines d'accusations d'agressions sexuelles dont fait l'objet l'Abbé Pierre, et le procès des viols de Mazan, ou calvaire de Gisèle Pélicot.
Et cette assertion déguisée en trait d'humour a beaucoup fait réagir.
En indignant un camp... Mais aussi l'autre !
C'est bien simple, la réflexion de Mathieu Mafénian a carrément fait sortir les "anti wokisme" des bois. Le wokisme, ce terme galvaudé devenu insignifiant mais qui, à l'origine, désigne une sensibilisation aux causes progressistes et enjeux de société : un "éveil" donc, qui a autant trait à la lutte pour l'égalité des sexes qu'à l'anti-racisme, ou l'engagement écolo. "Woke" est issu du milieu militant à l'origine, et du domaine universitaire, mais on l'entend désormais bien davantage sur les plateaux de CNews.
Et ici, le ton n'est pas vraiment mieux... On vous en offre un florilège.
"On ne peut plus dire "pas tous les hommes" ? Mais c'est un malade ce gars, une sorte de fou...", "Il nous explique qu’il a violé lui aussi? Non tous les hommes ne violent pas et ne sont pas des prédateurs.", "Il a quelque-chose à vendre ou à se faire pardonner ?", "Si si, on peut le dire. Faut pas faire de généralités sur base de cas particuliers, sinon c'est un amalgame", fustigent en retour les internautes très échauffés par le trait d'esprit de l'humoriste, actuellement en tournée dans toute la France.
Mais il en faut peu pour que le ton vire carrément à la menace. Et aux allégations.
"Le wokisme devient atroce", "Nous ne sommes pas des violeurs. Par contre, ne vous y trompez pas, les hommes, "alliés des féministes", qui valident ce narratif sont en effet des violeurs. C'est la seule explication possible. Ils se dédouanent de leurs conneries en attribuant ce caractère au sexe masculin.", "Lui, des affaires vont sortir. Je le sens", peut-on effectivement lire.
Ambiance.
Cependant, du côté des voix un brin plus féministes, ca ne passe pas vraiment mieux. Le billet d'humeur de Mathieu Madénian laisse perplexe. D'aucunes s'interrogent sur la chute de son analyse. "Ah bon le " alors ...profite " rien que ça déjà, berk .", "Il entend quoi Mathieu Madénian par "profite" ?", "Ce besoin de faire de l’humour (de beauf)…", "' Alors profite... '', comme si les femmes étaient des soldes ou de la bouffe gratuite. Y a encore du taf", "Profite ? Quand c'est oui ? Mais jusqu'où ?", taclent certains esprits critiques face à la séquence de C à Vous.
Il faut dire que le consentement, ce n'est pas juste un "OUI". Et non. On vous en parle ici. Même les campagnes les plus vindicatives, comme le "Seul un Oui est un Oui" en Espagne, divisent par leur simplification jugée dangereuse du consentement. Plutôt logique quand on connaît le phénomène d'emprise, non ? Et quand on écoute des femmes, comme Judith Godrèche, qui aborde si bien les rapports de domination.
Curieuse manie d'assister à ces confessions de darons - et surtout d'humoristes - ayant trait aux prises de conscience féministes ces derniers temps. La même semaine, Michael Youn, ex trublion du PAF, décochait effectivement sur Twitter un inénarrable : "Comment expliquer à ma fille que tous les hommes ne sont pas comme ça, quand même l'Abbé Pierre pense avec sa bite ?". Vous avez deux heures pour rédiger votre dissertation.
Maladresse sincère, mauvais goût, vrai élan de soutien envers les victimes et les militantes ? En tout cas, deux témoignages de stars du rire qui semblent sortir du coeur mais n'échappent ni aux bafouillages ni aux débats les plus clivants du web. Une saine indignation ?