Depuis ces dernières années, les coupes menstruelles séduisent de plus en plus les femmes qui ont leurs règles. Cette petite cloche en silicone s'introduit dans le vagin et se retire avec les doigts, tout comme un tampon. Mais contrairement aux serviettes hygiéniques et aux tampons, une coupe menstruelle ne va pas absorber le sang mais se remplir.
Son fonctionnement implique donc de la vider et nettoyer plusieurs fois par jour. Si certaines y voient une contrainte, d'autres estiment en revanche qu'il s'agit d'un petit prix à payer compte-tenu du bénéfice écologique. En effet, la coupe menstruelle permet de réduire drastiquement sa production de déchets, en comparaison des tampons et des serviettes jetables, souvent vendus dans des emballages plastiques.
Mais cet objet présenté comme révolutionnaire pour les protections périodiques soulèvent toutefois de nombreuses interrogations chez les utilisatrices. Non seulement elles ne seraient, à l'instar des tampons, pas épargnées par les risques de choc toxique, qui effraie bon nombre de femmes, mais sa rigidité et la tige en gênent certaines.
C'est en partant de ce constat qu'en 2015, Léocadie Raymond et Thomas Rosset ont décidé de lancer les premières coupes menstruelles "100% made in France" conçues sans tige. Nous avons rencontré Léocadie au Point Éphémère à Paris, lors de la première édition du festival consacré aux règles Sang Rancune. On a profité de l'occasion pour en savoir un peu plus sur les cups Luneale.
Léocadie Raymond : La sage-femme qui suivait ma grossesse m'a parlé des coupes menstruelles lorsque nous avons abordé la question du retour de couches. J'ai trouvé le concept surprenant, mais je lui faisais confiance, alors j'ai essayé. Et là : révélation !
Je me suis demandée comment ça se faisait que je n'en avais jamais entendu parler à 32 ans, comment ça se faisait que tout le monde n'utilisait pas cette protection si géniale sur de nombreux aspects ?
J'en ai parlé à Thomas - mon associé aujourd'hui- avec qui j'avais déjà travaillé à l'époque. Ensemble, nous avons très vite pris conscience du potentiel de développement de ce produit et de ses implications sociétales, écologiques, sanitaires etc...
Alors nous avons décidé de nous lancer, sans grands moyens mais avec conviction ! La première évidence a été que nous ne pourrions exister qu'en proposant quelque chose de différent. Nous avons d'abord fait le choix du Made in France. Puis, on a accordé une importance particulière à la qualité de matériau : un silicone médical durci au platine, sans colorant ni additifs, qui est le matériau le plus stable et le plus sûr.
Mais nous nous sommes vite rendu compte que cela ne suffisait pas, et qu'on pouvait encore aller plus loin.
L.R: Tout à fait ! Notre objectif était d'améliorer un produit qui n'a pas évolué depuis sa création dans les années 1930. On s'est donné pour objectif de supprimer les points d'insatisfaction des utilisatrices de coupes menstruelles traditionnelles, tout en visant "plus juste" en matière d'ergonomie et de physiologie.
C'est la raison pour laquelle nous avons débuté par une longue phase de recherche avec des utilisatrices, des sages-femmes et un ergonome. Au bout de plus d'un an d'échanges, de prototypes et de tests, nous avons abouti au design de la Cup Luneale, un design ergonomique sans tige unique et désormais breveté à l'international.
L.R : Nous avons vite constaté que la majorité des femmes sont gênées par la tige, notamment lorsqu'elles s'asseyaient ou qu'elles faisaient du sport.Or, cette tige présente sur la plupart des cups, a une seule fonction : elle sert de repère de la base afin de la pincer au moment du retrait pour annuler l'effet ventouse.
Mais elle amène aussi de la confusion, car beaucoup d'utilisatrices tirent dessus, ce qui est très déconseillé par les sages-femmes. Notre cup annule l'effet ventouse. L'avantage majeur, ce que cela la rend beaucoup plus sûre et intuitive à l'utilisation, même pour les débutantes.
L.R : Ah oui, nous y tenons beaucoup ! C'est un des points sur lesquels les sages-femmes avec lesquelles nous avons travaillé ont beaucoup insisté : les parois du vagin se touchent qu'on ait moins ou plus de 30 ans, qu'on ait accouché ou pas, et c'est l'un des tissus les plus élastiques du corps.
Il faut déconstruire le mythe de la femme "relâchée à l'extrême" après son accouchement. Il y a simplement quelques millimètres de diamètre de différence entre les tailles de cups, ce qui ne joue en rien sur le maintien en place ou le confort.
La taille d'une cup se choisit uniquement en fonction de son flux. Comme pour les tampons, finalement !
L.R : Il y a de nombreuses craintes vis-à-vis des cups de la part de celles qui n'ont pas franchi le cap. Peur des fuites, de l'inconfort, de ne pas arriver à s'en servir, de ne pas savoir où la vider...
Or en réalité, 9 femmes sur 10 qui essaient plus d'un cycle abandonnent les périodiques jetables, et souvent reviennent vers nous en nous disant que c'est une révolution dans leur vie, qu'elles regrettent de ne pas avoir osé plus tôt.
Nous ne disons pas que c'est LA solution universelle, mais simplement que ça vaut le coup d'essayer.
L.R : Une cup rigide est une cup qui sollicite les muscles vaginaux en permanence. Une cup trop molle se déplie mal. Il a donc fallu trouver le bon équilibre. Grâce à sa forme particulière, même avec un silicone assez tonique, la Cup Luneale peut s'aplatir en fonction des mouvements et de l'anatomie sans que cela ne joue sur son étanchéité.
Pour les sports aquatiques, la cup est idéale, car elle crée une véritable barrière qui empêche l'eau de pénétrer dans le vagin, contrairement aux tampons qui ont tendance à se gorger d'eau.
L.R : Nous sommes attentifs à cette question, car le syndrome du choc toxique est très grave. Comme il s'agit d'une infection en partie liée aux règles, il est de notre devoir de maintenir à jour nos sur le sujet connaissances afin de pouvoir informer nos utilisatrices.
Malheureusement, il y a encore peu de certitudes et peu d'études scientifiques et les équipes de recherche spécialistes du sujet aboutissent à des conclusions opposées sans que l'on ne puisse en connaître les raisons. C'est certain qu'il y a donc besoin de plus de preuves scientifiques.
À côté de cela, les protections jetables traditionnelles ont d'autres incidences avérées : l'absorption des tampons dessèche la muqueuse et la rend plus fragile. Par ailleurs, on ne connaît toujours pas bien la composition de ces produits : des traces de perturbateurs endocriniens et de substances controversées y sont régulièrement détectées par les associations indépendantes qui les testent...
L.R : Oui ! Le design de ces cups est même un vrai avantage pour les porteuses de stérilet, car il diminue considérablement l'effet ventouse au moment du retrait.
Il y a quand même quelques précautions à prendre, notamment de demander au médecin qui vous a placé votre stérilet de couper les fils assez court pour ne pas risquer de traction, et attendre 3 mois après la pose du stérilet pour utiliser votre cup (car c'est pendant cette période que les expulsions spontanées sont les plus nombreuses.)
L.R: Une cup Luneale bien entretenue peut se conserver 5 ans sans souci, et elle coûte moins de 25€. L'entretien est très facile, puisqu'il suffit de la rincer à l'eau à chaque fois qu'on la vide (donc toutes les 8h au maximum).
Ensuite, entre deux cycles, il suffit de la placer dans un bocal en verre rempli d'eau 5 minutes au micro-ondes pour la stériliser. On peut aussi utiliser un nettoyant adapté, c'est à dire avec une composition saine, un pH acide - adapté à la muqueuse interne - et qui n'altère pas le matériau de la cup.
L'offre étant très faible et peu adaptée en la matière, nos utilisatrices nous ont poussé à créer notre propre produit : la Mousse Culottée, un nettoyant intime "cup friendly" qui répond à ces critères.
L.R : Quand on est "cupeuse", on se rend vite compte qu'il y a souvent des toilettes handicapés (où un lavabo est présent) dans plein d'endroits ! Sinon, une petite bouteille d'eau avec un bouchon sport est souvent une alliée idéale.