Santé
Elles sont passées à la culotte menstruelle
Publié le 11 février 2020 à 19:07
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Par souci écologique ou de respect de leur corps, de plus en plus de femmes laissent tomber les protections à usage unique au profit d'alternatives plus saines. Parmi elles, les culottes menstruelles. On a demandé à trois nouvelles adeptes leurs raisons derrière ce choix - et surtout, si le changement vaut le coup.
Elles sont passées à la culotte menstruelle Elles sont passées à la culotte menstruelle© Réjeanne
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A l'échelle mondiale, le marché des protections hygiéniques représente 30 milliards de dollars, soit environ 26,5 milliards d'euros. Au cours de sa vie, une femme utilisera en moyenne 12 000 tampons sur une estimation de 40 ans de règles, et environ 300 produits périodiques par an. Les serviettes hygiéniques mettent quant à elles 500 ans à se dégrader. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes : la consommation des produits périodiques à usage unique est dramatique pour l'environnement.

Mais ce n'est pas tout. Leur composition aussi inquiète.

Dans un rapport publié en juillet 2018, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) alertait sur les produits chimiques qu'on y retrouve. Notamment le lindane et le quintozène, qui sont deux pesticides interdits en France depuis 2000. Impossible de les retrouver dans les champs, donc, mais dans nos culottes, rien n'est moins sûr. Et puis, il y a le coût. Un article du Monde avait ainsi estimé à en moyenne 7,5 euros par mois la somme dépensée pour des protections hygiéniques. Rapportée à nouveau sur 40 ans de règles, on atteint la bagatelle de 3600 euros. Dérisoire pour certaines, impossible à payer pour 1,5 millions de Françaises, qui vivent dans la précarité menstruelle.

Pour pallier ces constats alarmants, de nouvelles alternatives ont récemment émergé. Notamment la coupe menstruelle, les serviettes réutilisables en tissu et enfin, la culotte menstruelle. Un sous-vêtement ultra-absorbant qui remplace ou vient compléter une autre protection, et qui se lave en machine. La promesse est alléchante : plus besoin de se changer toutes les deux ou trois heures, ni de vérifier ses fesses dans le miroir tous les quarts d'heure non plus, la culotte menstruelle convient aux flux abondants et ce, pour 12 heures d'affilée. Ça semble presque trop beau pour être vrai.

On a donc demandé à trois femmes qui ont passé le pas il y a peu de nous confier leur avis sur le produit, ainsi que la raison derrière ce changement.

Pratique et écolo

"J'en avais marre de remplir des poubelles trois fois par jour avec des protections sur-emballées dont les composants incluent synthétique, parfum, silicone", confie Leslie, 29 ans. "J'étais passée aux protections biodégradables sans parfum. Mais cette solution ne me convenait toujours pas : pas toujours confortable, on doit planifier sa journée à l'avance, toujours penser à en avoir assez, et jeter, jeter et encore jeter. Alors, lorsque j'ai entendu parlé des culottes menstruelles, j'ai voulu essayer".

Elle tente l'aventure sans protection complémentaire et ses craintes de fuites disparaissent rapidement. "On se dit que même si c'est absorbant, quand on est en position chien tête en bas, jambes écartées au premier rang du cours de yoga dans son nouveau legging rose pâle, on ne peut pas s'empêcher de penser 'et merde, et si...'", plaisante-t-elle avant d'avouer avoir été "assez surprise" de la capacité d'absorption du sous-vêtement. "Et j'ai fait des tests lors de journées où j'étais principalement assise, en tailleur, et durant lesquelles j'ai fait pas mal de sport", précise-t-elle.

Un point que partage Isabelle, 30 ans. Elle, a adopté la culotte menstruelle "dans une démarche de mieux consommer et de savoir ce que je mettais dans mon corps. D'un point de vue écolo, je voulais trouver une alternative." Elle mentionne aussi le fait, vivant en couple avec quelqu'un de pudique, de ne plus avoir à faire attention à ne pas laisser traîner de protections usagées après sa douche par exemple. La culotte part à la machine et on n'en parle plus. Niveau confort, elle y trouve tout de suite son compte : "Il n'y a aucune sensation de mouillé", assure Isabelle. "Entre deux passages aux toilettes, quand on remet sa culotte, ce n'est pas humide", contrairement à la sensation que l'on peut connaître avec les serviettes classiques.

Laura, 31 ans, approuve, et ajoute également une dimension esthétique à sa décision. Si l'écologie reste sa raison première d'investir dans une culotte menstruelle - ainsi que le fait de ne pas pouvoir utiliser la cup la nuit - elle confie cependant que : "C'est moins tue-l'amour peut-être que la vieille culotte en coton avec une serviette qui dépasse un peu pour dormir avec son amoureux".

C'est vrai qu'en faisant un tour sur les sites des marques qui en proposent, les modèles n'ont rien à voir avec ce qu'on s'imagine d'un dessous réservé aux menstruations. Les coupes sont modernes, romantiques ou sobres. Un plus pour beaucoup de femmes.

Un seul point négatif : le temps de séchage

Difficile de trouver ce qui ne va pas, si ce n'est que le produit a le défaut de sa qualité principale. L'empiècement situé au niveau de la vulve étant ultra-absorbant, et donc épais (attention, aucun effet "couche" n'est à déclarer), la culotte met plus de temps à sécher qu'une pièce de lingerie ordinaire. Soit 24 heures environ. "Il faut en acheter plusieurs", poursuit Isabelle. "Trois ou quatre pour alterner avec les nuits" et avoir le temps d'en sécher une pour le surlendemain. Un point négatif qui se résout facilement mais qui a tout de même fait consensus chez nos trois intervenantes.

Autre détail qui n'en est pas un : le prix. A une trentaine d'euros la culotte pour les modèles les moins onéreux, c'est un budget. La dépense se rentabilise certes rapidement si on part sur trois culottes achetées (sachant qu'une année de protections coûte environ 90 €, toujours selon les estimations du Monde, et qu'une culotte se garde plusieurs années), seulement cela reste un inconvénient important à prendre en compte.

Une nouvelle façon de vivre ses règles

Le verdict est unanime. En troquant les produits hygiéniques à usage unique pour cette alternative plus respectueuse de leur corps et de l'environnement, elles admettent vivre leurs règles différemment. Une petite révolution qui rend cette période du mois "plus simple, plus facile à vivre et moins polluante", assure Leslie. "Cela me permet de rester 'fraîche', je les assume mieux en intimité car c'est très discret", argumente à son tour Laura. "Je les subis moins, clairement."

Pour Isabelle, le constat est similaire. Elle aurait même souhaité y avoir accès au moment de ses premières menstruations, quand elle se sentait "submergée" par les différentes protections, les heures de change et tout ce qui entoure cette étape marquante pour une ado. "Si j'ai une fille, je pense que je zapperai la case tampons et serviettes, et je lui donnerai directement une culotte de règles", déclare-t-elle. "C'est beaucoup plus pratique. Il faudrait d'ailleurs que les marques proposent des modèles en très petites tailles destinés aux jeunes filles". A bon entendeur...

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