La réouverture de la ligne aérienne entre Paris et Téhéran huit ans après son interruption ne se fera que le 17 avril prochain, mais elle suscite déjà de vifs débats chez Air France. Une note de service interne de la direction de la compagnie aérienne précise en effet que son personnel navigant féminin a pour obligation de "porter un pantalon durant le vol, une veste ample et un foulard recouvrant les cheveux à la sortie de l'avion", explique à l'AFP Christophe Pillet, élu du syndicat de personnels navigants SNPNC au Comité central d'entreprise.
Problème : l'obligation faite aux hôtesses de se voiler à leur sortie de l'avion pour se plier à la loi iranienne, en vigueur depuis la révolution islamique de 1979, ne passe pas. Par la voix du SNPNC, plusieurs membres du personnel navigant en cabine (PNC) ont indiqué leur refus de porter le voile à leur arrivée sur le sol iranien.
"Tous les jours, nous avons des appels d'hôtesses de l'air inquiètes, qui nous disent qu'elles ne veulent pas porter le foulard", a affirmé le responsable syndical au journal Le Monde .
Vendredi 1er avril, lors d'une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les syndicats SNPNC et UNSA ont demandé que le port du voile se fasse sur la base du volontariat afin de "ne pas porter atteinte à la liberté de conscience" de certaines hôtesses.
Refus catégorique de la direction. "Elle parle de sanctions pour celles qui refuseront", notamment financières, déplore Christophe Pillet.
Du côté des syndicats, on regrette le refus d'Air France d'entendre la demande des hôtesses refusant de se voiler. "Il faut laisser le choix aux hôtesses, explique à France TV Info Françoise Redolfi, du syndicat UNSA. Celles qui ne le vivent pas bien, qui estiment qu'on est dans un pays laïc, refusent de porter le voile. Si les filles refusent, c'est des sanctions qui sont inadmissibles."
"Ce que nous dénonçons, c'est la contrainte : les hôtesses doivent pouvoir avoir le droit de refuser cette mission", estime pour sa part Flore Arrighi, présidente de l'Union des navigants de l'aviation civile (UNAC).
Contactée par l'AFP, la direction d'Air France affirme sa volonté de faire respecter par ses équipages "les lois des pays dans lesquels ils se rendent" et de trouver "le meilleur compromis" avec les salariées concernées.
"La loi iranienne impose le port d'un voile couvrant les cheveux, dans les lieux publics, à toutes les femmes présentes sur son territoire. Cette obligation, qui ne s'applique donc pas durant le vol, est respectée par toutes les compagnies aériennes desservant la République d'Iran." "La tolérance et le respect des coutumes des pays que nous desservons font partie des valeurs de l'entreprise."
Face à l'absence de compromis, l'UNAC a affirmé vendredi son intention d'alerter la ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol. "La direction assure être à l'écoute, mais elle campe sur ses positions, assure de son côté Françoise Redolfi. On nous rappelle que la situation était la même avant 2008, lorsque la liaison existait encore, mais le contexte général est bien plus sensible qu'à l'époque : de nombreuses 'navigantes' sont entrées en contact avec nous pour nous signifier qu'il était hors de question qu'elles soient obligées de se voiler."
Les politiques, eux, sont partagés sur la question. Invité dimanche de BFM TV , Bruno Le Maire a estimé qu'"en Iran, que cela nous plaise ou non [...], on porte le voile. [...] Ce que je ne souhaite pas c'est que l'on impose au personnel d'Air France des pratiques ou des cultures qui ne seraient pas conformes à la culture française, tant que l'on est sur le sol français ou tant que l'on est dans un avion de la ligne Air France. Du moment où le personnel arrive sur sol iranien, et que sur le sol iranien, que cela plaise ou non, les femmes sont voilées, elles porteront le voile." Et le candidat à la primaire de la droite et du centre de poursuivre : "Que l'on fasse ça sur la base du volontariat, ça me paraît être un bon compromis."
Un point de vue partagé par Jean-Marie Le Guen. "Dans le pays où l'on est, on doit respecter la loi. En France, on ne doit pas porter la burqa. Si la loi iranienne prévoit cela, il appartient effectivement à la compagnie Air France de se soumettre à la loi iranienne, à partir du moment où la compagnie a décidé d'aller en Iran. S'agissant du dialogue social, je suggère qu'Air France trouve les moyens pour qu'à la fois la loi iranienne soit respectée, il n'y a pas d'alternative, mais que peut-être aussi l'attitude et la psychologie et l'engagement des personnels soient entendus", a déclaré le secrétaire d'État aux relations avec le parlement sur France 3 .
Une position que ne défendent ni le Front national, ni le Front de Gauche. Invité dimanche de RT L, Jean-Luc Mélenchon a estimé que les hôtesses d'Air France "n'ont pas à le faire, elles sont citoyennes françaises, les Français sont libres et appartiennent à un État laïc." "Air France ne sera jamais Air Burka: soutien aux hôtesses!", a quant à lui twitté le numéro 2 du FN Florian Philippot.