A près de 48 heures du deuxième tour de l’élection présidentielle censée mettre fin à la gouvernance provisoire de l’armée en Egypte, la Haute Cour constitutionnelle a déclaré jeudi « illégal » le Parlement élu lors des scrutins législatifs étalés sur trois mois, de novembre à janvier dernier. La cour ouvre ainsi la voie à une dissolution des deux chambres, justifiée par des modalités d’élection des députés jugées « illégales ». Conséquence : l’Egypte, qui ne possède toujours pas de constitution, ne possède plus d’assemblée légitime et représentative du peuple. D’après une information AFP, le pouvoir législatif sera remis aux mains du CSFA -Conseil Supérieur des Forces Armées- jusqu’à l’élection du nouveau Parlement. Un contexte plus que déstabilisant pour mener à bien une élection présidentielle.
Les Frères musulmans, qui ont remporté la majorité des sièges au Parlement cet hiver, sont les premiers visés par cette décision. En colère, ils dénoncent rien moins qu’un « coup d’Etat » fomenté par les militaires pour ne pas « rendre » le pouvoir après l’élection présidentielle. Le CSFA assure la transition depuis la chute de Moubarak en février 2011, mais celle-ci devait prendre fin dès l’élection du nouveau président.
La Haute Cour constitutionnelle a par ailleurs décidé de maintenir la candidature d’Ahmed Chafiq, ex-Premier ministre d’Hosni Moubarak, et d’invalider la loi « d’isolement politique ». Ce texte voté en avril par le Parlement frappait d’inéligibilité les anciens caciques du régime tombé en 2011. Mohammed Beltagui, haut dirigeant des Frères musulmans, a dénoncé cette décision, tout comme de nombreux manifestants venus protester contre le maintien de Chafiq, et qui craignent un retour en arrière ; « On ne veut plus des fouloul », ont-ils scandé, utilisant ce terme péjoratif pour désigner les « restes » de l'ancien régime.
La dissolution du Parlement pose la question des intentions de l’armée au pouvoir et des institutions judiciaires du pays, toutes deux très contestées pour leur traitement clément des acteurs de la répression en 2011. Le verdict rendu le 2 juin dans le procès de M. Moubarak et plusieurs de ses proches, a provoqué l’indignation des militants pour la démocratie. Six hauts responsables de la police ont été acquittés, et toutes les charges de corruption contre M. Moubarak et ses fils Alaa et Gamal ont été déclarées prescrites.
Pour les Egyptiens, le choix des urnes sera déterminant dimanche, entre Ahmed Chafiq et Mohamed Morsi, deux candidats et deux visions du pays. A condition que le deuxième tour ait lieu, et que les modalités du scrutin ne soient pas invalidées a posteriori.
Crédit photo : AFP
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