Aya Nakamura est-elle devenue un sujet d'études, voire une matière à part entière ?
Carrément, oui. Une journée de colloques a effectivement pris place le 2 octobre dernier à l'Université de Rennes 2, intitulée : "Aya Nakamura – Le minoritaire et le majoritaire" . Montréal, Tours, Nanterre, Québec : les chercheurs viennent de partout pour décrypter "Djadja" et volontiers énerver celles et ceux qui n'y voit que pure futilité.
Cette journée d'études, précise la RTBF, est venue décortiquer "l’influence artistique, culturelle et médiatique de l’interprète de 29 ans". Si cette nouvelle risque de susciter l'ire des détracteurs, rien de plus cohérent pourtant que des cours d'Aya Nakamura. En fait, pour les érudits présents à l'université rennaise, c'est comme suivre un cours de linguistique !
"L’une des critiques les plus courantes à son propos, c'est le fait qu’elle "ne chanterait pas en français"...", précise la présentation du programme. "Or dans ses chansons, on retrouve du verlan, des mots roumains, français, espagnols et arabes avec des expressions issues du nouchi ivoirien ou de la rue de Bamako au Mali, d’où sa famille est originaire, l’argot local s’intègre à la langue véhiculaire et met en lumière la complexité inhérente à la langue et à la chanson françaises, depuis toujours exposées aux vents des migrations"
De quoi en faire rager certains ?
"Nos universités sont gangrenées par le gauchisme", "Effectivement, c'est une étude fondamentale à mener pour comprendre comme la médiocrité peut être à ce point encensée", "C’est tout ce qu’ils branlent ces chercheurs ?", "Comme si on ne savait déjà pas tout sur le vide", a-t-on pu lire sur Twitter en guise de réactions. Amis de la poésie, bonsoir.
Quand on constate la vague de misogynie et de racisme dont l’artiste franco-malienne fait l'objet, on se dit que cette considération n'est pas de trop ! Il faudra plus précisément parler de "misogynoir", ce phénomène que nous décryptons dans cet article, et qui désigne une double discrimination, à la fois sexiste et raciste, vécue uniquement par les femmes noires. Un concept que l'on doit à l'universitaire américaine Moya Bailey. Et qui s'intègre dans les combats du féminisme intersectionnel.
Bien que figurant dans le Top des artistes francophones les plus écoutées dans le monde, Aya Nakamura avait engendré une vague d'insultes en ligne après avoir - notamment - rendu un spectaculaire hommage à Aznavour - cité entre deux chorégraphies et reprises de ses tubes en fanfare - lors la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024. Un spectacle aussi iconique que la reprise de "My Way" par sa consoeur Yseult en Cérémonie de Clôture.
Cible récurrente de l'extrême-droite, la chanteuse avait alors déploré : "Je pense qu'en toute honnêteté, en tant que femme noire, j'ai pris pour tout le monde. Je suis une renoi, je sais qu'il y a beaucoup de discrimination envers nous, mais avant d'être chanteuse je n'ai jamais eu de remarque sur mon physique. Jamais ! Ce n'est que quand j'ai commencé à être connue que j'ai eu des remarques"
Aujourd'hui, après cette vague de haine, la chanteuse est mise à l'honneur par l'université française. Et ce faisant, une autre question se pose : Aya prend-t-elle la suite directe de Queen B ?
"Beyoncé: nuances d'une icône culturelle", c'est effectivement le nom d'une série d'une demi-douzaine de cours proposée par l'Ecole Normale Supérieure l'an dernier. Un séminaire de prestige avait fait sensation en inaugurant une matière à part entière qu'on préfère aux maths : les "Beyoncé studies" ! Un habile mélange sous couvert de conférences d'analyse critique, d'histoire de l'art et de philosophie, oui oui.
Etudier Beyoncé hier, étudier Aya Nakamura aujourd'hui, il y a de la suite dans les idées du côté du champ universitaire hexagonale. Rien d'absurde à l'idée de décrypter des stars, chanteuses hyper écoutées, femmes d'affaires, danseuses spectaculaires, égéries fashion... Autant de qualificatifs qui lient Beyoncé et "Aya". L'influence de cette dernière sur l'industrie musicale, et la pop culture hexagonale, parlent pour elle, mais aussi, sa performance auprès de la Garde Républicaine, son impact sur les charts... Qui peut aujourd'hui, sans forcément se dire féru de ses chansons,, nier l'envergure de cette artiste ?
Y'a pas moyen.