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Nager, c'est se réapproprier son corps et s'émanciper "avec sensualité", défend la philosophe du désir Chantal Thomas

Publié le Jeudi 27 Juin 2024
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Nager, c'est se réapproprier son corps et s'émanciper "avec sensualité", défend la philosophe du désir Chantal Thomas
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La nage permet-elle de se libérer ? Chantal Thomas, brillante philosophe, le rappelle volontiers dans ses écrits, les podcasts où elle intervient, les interviews. Dans les pages de "Madame Figaro", l'érudite dévoile les atours émancipateurs de la mer, l'océan, la baignade.
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Qu'est-ce que la nage ? Une source d'émancipation pour les femmes. Une autre manière, profondément sensuelle, d'expérimenter sa relation au corps, à la nudité, aux autres. C'est en tout cas ce dont est persuadée la philosophe et historienne du libertinage Chantal Thomas. L'autrice de "Souvenirs de la marée basse" et "Journal de nage" est revenue sur cette conviction en ce début d'été, et c'est passionnant.

Dans les pages de "Madame Figaro", l'érudite dévoile les atours émancipateurs de la mer, l'océan, la baignade. "Dans la mer ou l'océan, on se sent porté, exalté, on sent son corps répondre aux sollicitations de l'eau", détaille-t-elle avec émotion. "J'ai voyagé, nagé partout dans le monde, jusque dans le Grand Lac Salé, aux États-Unis, où l'eau vous porte tellement qu'elle vous enserre et qu'il est presque impossible de bouger".

"Mais chaque fois qu'on peut nager dans une mer ou un océan, il existe quelque chose entre l'appropriation, puisque le paysage devient nôtre, et l'acceptation d'une dépossession de soi. Kafka disait qu'on ne pouvait pas connaître un paysage tant qu'on n'avait pas nagé en ce lieu. Chaque bain est unique".

Et sa réflexion, très incarnée, ne s'arrête pas là...

La philosophe féministe Chantal Thomas nous rappelle pourquoi la nage libère le corps des femmes

On vous le disait volontiers l'espace d'un long article enrichi des témoignages de nos lectrices : la nage libère le corps des femmes, c'est indéniable. "On se contemple, on renoue avec un corps qu'on prend soin d'écouter... en terme de sensualité, la mer est un espace particulier pour les femmes, un espace de liberté pour nos corps et nos désirs", nous expliquait ainsi l'une d'entre elles, Ariane, avec enthousiasme.

"Avec la nage, il y a comme une oisiveté qui permet de s'occuper de son corps, de se "réconcilier" avec lui après l'avoir malmené à la ville... et, qu'il s'agisse de la mer ou d'une rivière, l'on en vient à tendre l'oreille à ses désir, à les cultiver. Alors que sur le sol, c'est presque impossible", observait encore la jeune femme.

"Quand on nage, les questions s'évanouissent. Tout se dissout. Nager est pour moi lié au silence et je ne comprends pas les gens qui conversent tout en nageant", développe à l'unisson la philosophe Chantal Thomas dans les pages de Madame Figaro. "L'eau dans laquelle je nage représente l'ouverture, la nature, et la nature ne se maîtrise pas, dans mon esprit. La performance m'intéresse peu, sauf si elle se double d'un enjeu esthétique, comme dans la danse, par exemple. Ce qui m'intéresse, c'est l'attention aux sensations".

"J'ai fait beaucoup de tennis, et il m'est arrivé de courir juste pour courir, sans m'économiser en vue de gagner. Quand on nage, tout compte, le premier contact avec l'eau, la fraîcheur qui monte des pieds, la lumière, une fleur qui flotte sur l'eau. La fluidité que je recherche dans l'écriture se retrouve aussi dans ma manière de nager", développe encore cette grande autrice, qui voit en l'eau un espace de libertés. De quoi envisager tout autrement nos instants de trempette qui vont ponctuer cet très chaud été !