Le 9 octobre dernier, Leonarda Dibrani, une adolescente de 15 ans originaire du Kosovo était expulsée du territoire français alors même qu’elle participait à une sortie scolaire. En classe de troisième au collège André Malraux de Pontarlier (Doubs), la collégienne vivait à Levier avec sa famille, qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire, après avoir été déboutée de ses demandes d'asile. Et c’est sous les yeux de ses camarades que la jeune fille a dû descendre du car dans lequel elle était installée pour être reconduite à la frontière. Les forces de l'ordre du Doubs s’étaient auparavant rendues au domicile de sa mère et de ses cinq frères et sœurs afin d’assurer leur retour au Kosovo, où leur père avait été renvoyé la veille. C’est alors qu’elles avaient constaté l’absence de Leonarda.
Mardi, face au début de polémique concernant cette expulsion jugée tout à tour « inhumaine », « intolérable » ou « révoltante », Manuel Valls avait joué la transparence en en détaillant les conditions. « Un membre du comité de soutien de la famille a, en présence de la mère, appelé cette jeune fille sur son téléphone portable. Il a été convenu entre la famille, le représentant de son comité de soutien, l'enseignante en charge de la sortie scolaire et les forces de l'ordre de laisser la jeune fille sortir du bus afin de lui permettre de rejoindre sa famille dans le cadre de l'exécution de la mesure d'éloignement », a ainsi fait savoir le ministère de l’Intérieur dans un communiqué de presse. Des précisions qui n’ont pas suffi à faire taire les critiques au sein même de la majorité. Et comme souvent, c’est sur Twitter que les élus socialistes ont fait part de leur indignation. Ainsi, sur le site de microblogging, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone a appelé la Gauche à ne pas « transiger » avec ses valeurs, tandis que le porte-parole du PS, David Assouline jugeait « insupportable et inacceptable » le déroulement de cette expulsion. Quant au premier secrétaire du parti, Harlem Désir, il demandé que la collégienne « réintègre sa classe ».
Il y a la loi. Mais il y a aussi des valeurs avec lesquelles la Gauche ne saurait transiger. Sous peine de perdre son âme. #Léonarda
— Claude Bartolone (@claudebartolone) October 16, 2013
.@harlemdesir "Je demande que #Leonarda puisse revenir en France, réintègre sa classe et que son cas soit examiné ac humanité"
— Parti socialiste (@partisocialiste) October 16, 2013
Faire descendre d'un bus par les forces de l'ordre une élève devant ses camarades est insupportable et inacceptable http://t.co/SY2F7FgSEo
— David Assouline (@dassouline) October 15, 2013
Est-ce pour calmer les esprits ? Quoi qu’il en soit, Matignon n’a pas tardé à annoncer l’ouverture d’une enquête administrative, dont les résultats devraient être connus d’ici la fin de la semaine. « En fonction des résultats de cette enquête, je prendrai toutes les responsabilités qui s’imposeront. S’il y a eu faute, l’arrêté de reconduite à la frontière sera annulé », a ainsi assuré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, lors d’une séance de questions au gouvernement. Et d’ajouter : « Cette famille reviendra pour que sa situation soit réexaminée en fonction de notre droit, de nos pratiques et de nos valeurs. »
Un possible retour qui ravirait la jeune Leonarda. Cette dernière a d'ailleurs décrit ce mercredi à plusieurs médias français, ses nouvelles conditions de vie. « Nous n’avons pas de maison ici, on ne connaît personne. On est comme les clochards. On a dormi sur un banc », a-t-elle expliqué à L’Est Républicain, insistant sur le fait qu’elle ne comprenait pas « la langue du Kosovo ». Au Parisien, elle a dit vouloir « avec sa famille, venir en France, recommencer les cours pour avoir un avenir ». Problème, les dernières informations concernant les démêlés de son père, Resat Dibrani, avec la justice pourraient ne pas jouer en faveur de sa famille. En effet, début 2013, l’homme de 47 ans était visé par une plainte pour violence sur ses enfants, déposée par son épouse. Et bien que cette dernière se soit finalement rétractée, une zone d’ombre plane sur la personnalité de cet individu. « On n'a jamais prétendu que monsieur Dibrani était un homme modèle et si les violences étaient avérées, il serait encore plus scandaleux de faire ce regroupement familial au Kosovo », a toutefois signalé à l’AFP Fabrice Riceputi, membre de Réseau éducation sans frontières (RESF), estimant que cette procédure « ne change en rien que l'expulsion d'enfants et de leurs parents est quelque chose d'injuste et d'inacceptable ».
Le père de #Léonarda avait menacé de faire sauter le foyer social où il était hébergé.
— Frederic Martel (@martelf) October 17, 2013
Une injustice contre laquelle de nombreux lycéens ont manifesté aujourd’hui. À Paris et en province, ils étaient des milliers à s’être mobilisées pour réclamer le retour de Leonarda mais aussi de Khatchik Kachatryan, un élève du lycée parisien Camille-Jénatzy (XVIIIe), expulsé samedi dernier vers l'Arménie. Porte-parole de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl), Steven Nassiri a détaillé ses revendications au Nouvel Observateur : « Le mot d'ordre c'est de se mobiliser pour le retour des lycéens expulsés. C'est inadmissible que sous un gouvernement de gauche on doive montrer ses papiers pour entrer au lycée. Tout le monde a le droit à une éducation », a-t-il tranché. Des rassemblements similaires ont également eu lieu à Mende (Lozère) et Avignon (Provence-Alpes-Côtes d'Azur).
Léo 16 ans, lycée Sophie-Germain: "J'ai des amis sans-papiers, je me mets à leur place, c'est inadmissible" #Leonarda pic.Twitter.com/PAsZSaMT70
— Yann Thompson (@yannthompson) October 17, 2013
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