Eternelle amoureuse des livres, c'est notamment au fil des pages que l'autrice et éditrice Geneviève Brisac a aiguisé son féminisme. Et ce n'est probablement pas un hasard si son tout premier ouvrage, couronné par le prix de l'Académie française en 1987, s'intitulait Les filles. L'une des passions de cette admiratrice de la grande Virginia Woolf ? Remettre dans la lumière des écrivaines invisibilisées, interroger l'écriture des femmes, comme dans son opus La marche du cavalier. Et s'atteler à lutter contre les stéréotypes de genre en publiant entre autres la série des Histoires d'Olga (Ecole des loisirs), une jeune et vaillante héroïne qui s'élève contre les injustices.
Alors qu'elle est l'une des voix du cycle passionnant Le féminisme n'a jamais tué personne organisé par la Bpi au Centre Pompidou, nous avons interrogé Geneviève Brisac sur son engagement et ses inspirations.
Terrafemina : Quel a été votre déclic féministe ? Qu'est-ce qui vous a menée à la déconstruction ?
Geneviève Brisac : Je suis une militante féministe depuis les années 70. J'ai alors découvert vers 1976, grâce au mouvement des femmes, les injustices et les non-sens du patriarcat et de la domination masculine. Un livre m'a marquée : Notre corps, nous-mêmes, un livre collectif qui vient de reparaître.
Je me suis mise à lire puis à écrire dans différentes revues, Sorcières, La Revue d'En face, Histoires d'Elles. J'ai découvert aussi les théoriciennes et les historiennes féministes. Betty Friedan, Benoite Groult, Margaret Maruani, Michelle Perrot, Geneviève Fraisse, Simone de Beauvoir, mais surtout les écrivaines : Virginia Woolf en tête, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras qui a eu une influence énorme sur moi, Christiane Rochefort, si oubliée, Alice Munro, tellement géniale...
Avez-vous constaté de réelles évolutions depuis #MeToo et l'affaire Weinstein ?
G.B. : Une nouvelle génération s'est levée. Alors oui, c'est une révolution des moeurs, des rôles, des représentations. C'est une révolution dans la rue et dans les maisons, sur les blogs et dans les journaux. C'est flagrant quand on regarde les magazines : on lit des dossiers sur les hommes qui font le ménage, sur le partage des tâches, sur le genre à l'école... C'est aussi très visible quand on regarde des séries télévisées comme Borgen ou Baron Noir. Et ce sera de plus en plus évident.
En revanche, c'est moins flagrant en politique. Je suppose que le pouvoir est trop précieux pour que les hommes politiques le lâchent si facilement. Mais la libération de l'écoute, comme on dit, des victimes d'abus et d'inceste est un événement décisif.
G.B. : Je ne suis pas très douée pour le tac au tac ! Et les répliques ne servent souvent pas à grand-chose face à des masculinistes qui s'ignorent. Je dis simplement : "Et si vous écoutiez pour une fois ?"
Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir.
La promenade au phare de Virginia Woolf.
Les films d'Agnès Varda.
Les chansons d'Anne Sylvestre et de Barbara.
G.B. : Chaque fois que c'est possible : donner à voir, apprendre à voir.
G.B. : Ce que je fais depuis : faire connaître les écrivaines qui ont été invisibilisées, effacées, oubliées... Selma Lagerlöf sur laquelle je prépare un documentaire, Anna Akhmatova, poètesse de génie qui fit front dans la Russie stalinienne et fut interdite de publication pendant quarante ans et dont j'ai fait le portrait dans une Grande Traversée de France Culture. Et puis aussi Natalia Ginzburg, merveilleuse écrivaine antifasciste et socialiste. Pour le reste, je ne sais pas encore ce que la vie nous réserve !
Pour revoir les premières conférences Le féminisme n'a jamais tué personne, c'est ici :
Conférences "13 minutes" : Le féminisme
Violences sexistes : quand les femmes prennent la parole