Mains posées sur les cuisses, les jambes et les fesses, propos salaces volontiers prononcés en public, insultes sexistes, violences sexuelles diverses... Voilà la teneur des témoignages des 13 femmes qui aujourd'hui tiennent à dénoncer l'attitude de Gérard Depardieu.
Pour rappel, celui-ci avait été mis en examen pour "viols" et "agressions sexuelles" l'an dernier. L'actrice Charlotte Arnould avait accusé l'acteur de l'avoir violée dans son hôtel particulier du 6e arrondissement de Paris en 2018.
Le célèbre acteur est désormais au coeur de trois articles étendus de "Médiapart", dont une enquête majeure de plusieurs mois recueillant ces faits présumés, qui se seraient déroulés sur le tournage de onze films, sortis entre 2004 et 2022. Plus que des faits isolés, l'enquête de Médiapart met en évidence un même mode opératoire.
A savoir ? Gérard Depardieu profiterait du tournage de certaines scènes pour mettre sa main dans la culotte, à l'entrejambe, aux fesses ou sur la poitrine de comédiennes, maquilleuses ou techniciennes. Le plus souvent, à la vue de tous.
Assistante costumière sur le film Big House (2015), Isabel Butel aurait ainsi vu l'acteur essayer d'embrasser dans le cou et toucher les cuisses de trois figurantes étrangères, interprétant des meneuses de revues. Plusieurs fois, les actrices ont repoussé ses gestes. L'une d'entre elles témoigne : "J'ai senti ses doigts essayer de se faufiler pour atteindre ma culotte. Il est devenu agressif, il a essayé d'écarter ma culotte et de me doigter".
Des témoignages identiques abondent. Une ancienne stagiaire du tournage du film 36 quai des Orfèvres (2004) aurait vu Gérard Depardieu mettre sa main dans la culotte de figurantes, "sans que personne réagisse". Sur le tournage de la comédie Disco (2008), il aurait attrapé une figurante, qui était en jupe, par les fesses... Mais ce n'est pas tout.
A cela, il faut encore ajouter d'abondants propos sexuels obscènes, "parfois des grognements insistants". Des bruits porcins, des "grimaces salaces", "des questions intimes et sexuelles" posées aux jeunes actrices afin d'instaurer "une ambiance malaisante et sexualisées"... L'espace d'un tournage, témoigne une directrice de casting, Gérard Depardieu aurait ainsi hurlé "Ta chatte elle mouille", et "La chatte, la chatte, la chatte".
Des mots qui seraient récurrents dans sa bouche, relève Médiapart. Témoignage d'une comédienne qui l'a croisé sur le plateau de La Môme (2007) : "Ça commence au départ par un truc goguenard, sympathique, puis il fait des grimaces salaces avec sa langue, des gestes obscènes, tient des propos toujours de l'ordre de "ta chatte", "tu mouilles", "je vais te lécher la chatte", "enlève ton Tampax". Et d'un coup, il arrive par-derrière et me tripote".
Témoignage d'une autre jeune actrice, Florence, sur le tournage du film Hello Goodbye : "Au lieu de dire son texte, il a répété : " "Je vais te lécher ta petite chatte", "T'aimes te faire défoncer la rondelle" ", puis il a mis son pied entre mes jambes en essayant d'atteindre ma culotte. Je me sentais salie, totalement humiliée".
Au gré de ces paroles recueillies par la journaliste Marine Turchi (autrice de Faute de preuves : la justice face aux révélations #MeToo, à qui l'on doit également l'enquête dédiée aux témoignages d'Adèle Haenel), une même crainte collective : celle d'ouvrir la voix ou d'aller en justice, de s'attaquer à un "intouchable", de ne pas être écoutée, de ne plus pouvoir travailler dans un milieu finalement très clos. En somme, de ne pas faire le poids face à "un monstre du cinéma français".
A ce sujet, une scène éloquente rapportée par la comédienne Sarah Brooks sur le tournage d'un épisode de la série Marseille. Gérard Depardieu lui aurait mis la main dans son mini-short, "gros grognement bizarre", à l'appui. Elle témoigne : "Il remet sa main dans ma culotte. Il essaie de me toucher les fesses. Je lui enlève une deuxième fois et je dis tout fort : "Il y a Gégé qui met sa main dans mon short." Il a répondu : "Bah quoi, je pensais que tu voulais réussir dans le cinéma ?" Tout le monde a ri, du coup il a continué".
Sur les plateaux, rares sont les réalisateurs à agir. La preuve ? Seul Fabien Onteniente (Disco, Turf), a témoigné auprès de "Médiapart". La réplique systématique entendue lors des tournages ? "Oh ça va, c'est Gérard !".
Omerta douloureuse banalisée par cette impression générale, éprouvée en partageant ses expériences dans son entourage, et énoncée par une victime présumée : "Tout le monde le sait, tout le monde s'en fiche, tout le monde tolère". Gérard Depardieu n'est pas revenu sur le détail de ces accusations. L'acteur dément "tout comportement pénalement répréhensible".
Lors de ses auditions dans le cadre de l'enquête judiciaire, le comédien se serait également décrit "en gentleman aimant faire la cour". Il se serait par ailleurs dit "extrêmement pudique sur les questions sexuelles".
L'an dernier, l'actrice Charlotte Arnould détaillait la nécessité de témoigner à son sujet : "Cette prise de parole risque d'être une secousse immense dans ma vie, je n'y gagne strictement rien si ce n'est l'espoir de récupérer mon intégrité. Il travaille pendant que je passe mon temps à survivre. Cette vie m'échappe depuis 3 ans et j'ai envie de vivre sans me renier".
"Continuer à me taire, c'est m'enterrer vivante".