"En nous mobilisant, nous pouvons améliorer le quotidien et accélérer la construction d'une société plus inclusive, plus juste, plus équitable". Voilà le message du Secrétariat d'Etat auprès du Premier ministre chargé des Personnes Handicapées, accompagnant la dernière campagne gouvernementale de sensibilisation au handicap. Il est limpide, et auréolé d'un slogan : "Voyons les personnes avant le handicap".
De fait, les trois spots de cette nouvelle campagne nous montrent des tranches de vie dans des lieux familiers (bar, cantine de lycée, soirée d'entreprise), scènes au sein desquelles des personnes en situation de handicap ne sont pas renvoyées - justement - à leur handicap. Si le message derrière paraît bienveillant, l'idée centrale ("Voyons les personnes avant le handicap", "Changer de regard") a fait grincer les dents des associations.
"Avez vous consulté des personnes handicapées avant de choisir de faire cette campagne ? Non parce que nous précisément, ON N'EN PEUT PLUS, de cette idée", a ainsi fustigé l'association Les Dévalideuses, collectif féministe qui démonte les idées reçues sur le handicap.
"Dire qu'il faut changer de regard sur le handicap sous-entend qu'il n'y a pas de problème structurel, et que la majorité des problèmes viennent de l'absence de sensibilisation du public aux questions du handicap. De fait, on individualise le problème du validisme, et on le dépolitise", développe le collectif féministe, qui invite à agir "par la loi et par l'action". Le validisme désigne les privilèges des personnes "valides", qui ne sont pas en situation de handicap, et les préjugés et discriminations dont font l'objet les personnes en situation de handicap.
Une réalité qui rend cette campagne quelque peu désuète. "On a besoin de plus que ça aujourd'hui. Je pense qu'on aurait mieux fait de mettre un peu d'argent dans l'accessibilité que dans un film, ou trois, qui vont nous sensibiliser. Les pouvoirs publics devaient faire passer une loi en 2005 qui devait donner l'accès aux mairies, aux écoles, etc. On a remis cette loi une fois, deux fois, trois fois... Est-ce qu'on a pensé à demander aux handicapés de réfléchir à cette campagne ? Je ne pense pas", a dénoncé à l'unisson l'acteur Dominique Farrugia, atteint d'une sclérose en plaques depuis une trentaines d'années.
De même, pour le site Madmoizelle, c'est une campagne "pleine de bonnes intentions, mais qui sonne creux", dans la mesure où réfléchir aux clichés, dire qu'on ne voit pas le handicap, "est insuffisant, dans un pays toujours mauvais élève quand il s'agit de respecter les droits des personnes handicapées".