Mexico, Istanbul, Tokyo, Lisbonne et maintenant Londres. Dans Le monde des attractions pour enfants, Kidzania semble désormais incontournable. Derrière ce nom de code, un réseau de parcs destiné à apprendre aux enfants de 2 à 15 ans à être adulte. De quoi donner un sérieux coupde vieux aux parcs d'attractions plus classiques. Travailler, passer des diplômes, ouvrir un compte bancaire, dépenser de l'argent... Ici, l'enfant est roi. Ou plutôt salarié à plein temps.
Objectif de ce monde miniature : faire « comme dans la vraie vie », souligne Xavier López Ancona, l'inventeur mexicain du concept. Depuis l'ouverture du premier parc, en 1999, 35 millions d'enfants se sont pris au jeu. Le groupe ambitionne d'ailleurs d'ouvrir onze nouveaux parcs d'ici trois ans. Un succès qui laisse rêveur Joel Cadbury, héritier des fameux chocolats, et président de KidZania Londres, qui ouvrira ses portes en 2015.
« C'est révolutionnaire (...) Il s'agit d'ouvrir les yeux des enfants aux réalités de la vie », résume au Guardian celui qui gérera bientôt cette ville miniature à 20 millions de livres, située juste au-dessus du Mark's & Spencer du centre commercial Westfield, dans l'ouest de la capitale britannique. Aux quatre coins du globe, la formule reste la même : un espace de plusieurs milliers de mètres carrés, systématiquement accolé à un centre commercial pour permettre aux parents de pouvoir faire leur shopping, pendant que le petit dernier s'initie aux joies de son futur métier.
Côté boulot justement, il y a l'embarras du choix. KidZania reconstitue en version miniature les lieux de travail du monde adulte : blocs opératoires, banques, cockpits d'avion, chaînes de radio, hôtels, garages, tribunaux... Pour jouer aux grands, les enfants peuvent sélectionner parmi 60 rôles, « pour des séances de 25 minutes chacune », précise le journal britannique The Guardian. L'occasion idéale de vivre tour à tour, pendant une journée de rêve, les métiers de livreur, vétérinaire ou éboueur. La vidéo officielle de Kidzania Londres pose le décor.
Pour proposer les activités les plus réalistes possible, Kidzania peut compter sur un réseau de plusieurs dizaines de sponsors, prêts à mettre la main à la poche pour assurer la présence de leur marque dans ces villes pour enfants. Comment piloter un avion ? Un appareil British Airways est là pour apprendre le B.A.-BA. Découvrir la mécanique ? Un centre technique Renault plus vrai que nature enseigne les rudiments aux plus jeunes.
Les futurs employés modèles déambulent ainsi dans des rues où s'affichent des firmes nationales et internationales comme McDonald's, Bosch, Epson, Sony, DHL, Walmart, Mitsubishi ou encore la Vache qui rit. Une communication ciblée et efficace.
Parmi les reconstitutions les plus intéressantes, note The Guardian, ce simulacre d'incendie. Jeune victime, jeunes pompiers, fausses flammes et jeune ambulancier. Quelques minutes plus tard, ce sont les journalistes en herbe qui débarquent pour relater l'événement « pour de faux ».
Lors de chaque activité, les bambins apprentis sont rémunérés en « Kidzos », la monnaie locale sous forme de billets colorés, et sésame indispensable pour pouvoir survivre dans ce monde impitoyable. Une fois leur argent durement gagné, les enfants peuvent profiter de leur indépendance financière et surtout gérer leur budget.
Encore une fois, tout est affaire à de choix, comme dans la vraie vie : déposer de l'argent sur son compte, tout dépenser dans les boutiques de Kidzania, faire ses courses au supermarché ou passer son permis de conduire (en quelques minutes). « Certains adoptent des stratégies. On a vu un petit garçon jeter son dévolu sur une PlayStation. Au bout de quelques visites, il a réussi à l'acheter avec ses kidzos », a indiqué au Parisien Marta Amorim, la « ministre des affaires publiques » de Kidzania Lisbonne.
Mais le ticket d'entrée de la vie des grands a un coût : 28 livres à Londres (35 euros). A ce prix, les enfants se voient remettre à l'entrée du parc un chèque de 50 kidzos assorti de ce petit mot d'accueil qui en dit long sur l'esprit du lieu : « Que ta journée soit productive ! ». Dans Le monde merveilleux de Kidzania, pas de chômage donc. Pas plus qu'il n'y a de crise économique, de plans sociaux ou de grève.
Depuis sa création, des parents du monde entier s'étonnent du curieux procédé du réseau de parcs d'attractions. Payer pour bosser, la logique a de quoi faire grincer des dents. En offrant à ses visiteurs la possibilité de trimer dès le plus jeune âge, Kodzania, qui tire d'importants bénéfices de son activité, pose la question du travail des enfants en des termes nouveaux.
Nombre d'observateurs font par ailleurs remarquer que le concept, fondé sur un modèle capitaliste, fait l'apologie d'un consumérisme qu'il serait néfaste d'inculquer à de jeunes enfants. « Si l'on met les choses à plat, conclut le Guardian, les parents paient pour permettre aux entreprises de mettre le grappin sur ceux que l'argumentaire présente comme 'les clients de demain' ». Après tout, c'est peut-être ça la vraie vie prônée par Kidzania, dont le slogan achèvera sans doute de convaincre les plus sceptiques : « Préparez-vous pour un monde meilleur »...
Plongée dans le Kidzania de Lisbonne par Le Parisien :