Quelle vision a la justice sur la femme et son droit à la jouissance ? Peut-elle décider des âges adultes auxquels il est souhaitable ou non d'avoir des rapports sexuels ? Pense-t-on encore au XXIe siècle que la femme n'est rien d'autre qu'une génitrice ? Les questions se posent après une très contestable décision récemment rendue au Portugal, méritant la vigilance de toutes les femmes.
Maria a été femme de ménage toute sa vie. Veuve à cinquante ans, elle a subi une opération chirurgicale en 1995 dans une maternité de Lisbonne, pour une ablation des glandes de Bartholin, lesquelles – situées à l'entrée du vagin – en assurent la lubrification. Le médecin lui avait certifié une intervention bénigne, qui lui permettrait de rentrer chez elle le soir même. Mais un nerf ayant été sectionné par inadvertance, Maria a ensuite eu des problèmes d'incontinence et des douleurs si sévères en cas de rapports sexuels qu'elle fut dans l'incapacité d'en avoir.
La justice a mis dix ans à rendre un premier jugement et ce, en sa faveur. Mais la clinique ayant fait appel, un nouveau jugement, rendu en octobre dernier par l'une des plus hautes cours de justice du pays, a conduit à une réduction de plus d'un tiers de la somme compensatoire initialement fixée (soit 170.000 €, Ndr). Arguant du fait qu'elle avait eu deux enfants, que la sexualité pour une femme n'était guère importante à cet âge et que le désir n'était plus le même, la justice a ainsi mis dix-neuf ans pour finir par violer les droits des femmes tout autant que les garanties légales et constitutionnelles selon lesquelles orientations sexuelles et âge ne sont aucunement des barrières.
Pourtant, les trois juges avaient passé la cinquantaine et l'un des trois était une femme. D’ailleurs, la Cour suprême n’a-t-elle pas attribué récemment 100.000 € à un homme aisé, âgé de 55 ans, dont l'inutile ablation de la prostate a engendré des problèmes d'érections ? La cour ne protège-t-elle que les hommes ? La justice entend-elle prendre des décisions empiriques en s'affranchissant de toute validation scientifique ? L'avocat de Maria, Vítor Manuel Parente Ribeiro, devrait désormais porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme. L'association portugaise des femmes juristes fait également front, au nom des droits constitutionnels, car, écrit-elle, « aucune de ces circonstances – l'âge et la maternité – n'excluent l'exercice du droit à la relation sexuelle , mais plutôt ... encouragent son plaisir absolu ».
Et en effet, les raisons pour les femmes de continuer à avoir des rapports sexuels passée la cinquantaine sont nombreuses : c'est l'âge où elles ont des carrières bien engagées, celui où les enfants commencent à partir, celui où il n'y a plus rien à prouver à personne, où la séduction opère naturellement, où les femmes connaissent le mieux leur corps et savent lâcher-prise. C’est aussi la période où il y a le plus de séparations et de divorces, et par conséquent plus de partenaires disponibles. Et comme à tous les moments de la vie d'adulte, les relations sexuelles sont bonnes pour lutter contre le stress, bonnes pour le cœur et pour le corps.
C'est le signe même de la vitalité. On est à l’opposé de la résignation, où il faudrait accepter de continuer à faire son ménage ou celui des autres, sans rien attendre de palpitant de l’existence ...