Quoi de mieux en cette période hivernale que de chiller devant Netflix ? Mais encore faut-il choisir les bons programmes pour ce faire, ceux qui réconfortent comme un plaid. Et dans le genre divertissements-chocolat chaud, la série des À tous les garçons que j'ai aimés se pose là. On y suit les déboires de Lara Jean, jeune étudiante affrontant entre deux cours l'éternelle confusion de ses sentiments. Satanées love stories.
Le troisième volet de cette trilogie au succès aussi inattendu qu'atomique vient justement d'être lâché sur la fameuse plateforme de streaming : il s'intitule À tous les garçons que j'ai aimés, toujours et à jamais. De quoi ravir les nombreux fans de cette saga d'idylles adolescentes pétillante et rose-bonbon. Car c'est un peu cela le concept de All the boys... (pour les anglophones) : privilégier la douceur à l'acidulé, s'éloigner des personnages toxiques inhérents aux rom coms tout en épousant certains de ses codes les plus traditionnels. Et ça marche.
Mais tout cela serait tout de même un peu soporifique sans sa vedette : Lana Condor, comédienne américaine de 23 ans, native du Vietnam, ayant vécu quelques années dans un orphelinat avant d'être adoptée et éduquée par une famille américaine. C'est l'authenticité que l'actrice confère à son (très attachant) personnage de teen un brin paumée qui fait tout - et enchante. Portrait d'une artiste multi-facettes qui n'a pas fini de nous surprendre.
Cela fait des années déjà que Lana Condor oscille entre séries télévisées et cinéma. Normal, pour une jeune femme qui a fait du mouvement sa spécialité. Dès son plus jeune âge, la jeune fille native de Cần Thơ (dans le delta du Mékong) étudie effectivement le ballet au sein de diverses écoles de renom, comme la fameuse Los Angeles Ballet School de la Cité des Anges. En parallèle de cet apprentissage physique, cette fille d'un quasi-prix Pulitzer (Robert Condor, son père adoptif, a été candidat deux fois) s'exerce au théâtre, et notamment à l'improvisation.
Une initiation que la diplômée de la Notre Dame Academy High School (une école catholique de Los Angeles) poursuit avec beaucoup d'entrain, de New York à l'Université de Yale en passant par la Californie. Dix ans durant, le parcours de l'actrice nous fait voyager d'un établissement scolaire à l'autre, au gré des cours de théâtre et d'enseignements variés. L'artiste porte déjà sur elle un lourd bagage culturel lorsqu'elle obtient, à 18 ans seulement, son premier grand-rôle : celui de la mutante Jubilé dans le blockbuster super-héroïque X-Men: Apocalypse.
Une première expérience remarquée au sein de la fameuse usine à rêves... Et qui débouchera sur bien des performances, du cinéma à gros spectacle (Traque à Boston de Peter Berg, Alita : Battle Angel de Robert Rodriguez) aux téléfilms type High School Lover, qui synthétise dès son titre ce qui constituera la voie de sa notoriété : un lycée, de l'amour, et une pointe de fantaisie, toute personnelle, pour égayer le tout.
Comme une évidence.
Et l'évidence aura un nom : Lara Jean Song Covey, Lara Jean pour les intimes. Quand le premier opus de A tous les garçons que j'ai aimés sort (et cartonne) sur Netflix, le 17 août 2018, la jeune comédienne semble avoir trouvé le rôle d'une vie. Pour cause, elle met beaucoup d'elle dans ce personnage d'ado à la fois optimiste et tourmentée, solaire et spleenétique. L'étudiante est comme toutes les jeunes spectatrices qui l'admirent par écrans interposés : intelligente et sensible, pleine d'affects, capable d'ériger en montagne un simple petit tourment amoureux.
"Lara Jean a eu le plus grand des impacts sur ma vie. Et j'aime ce monde que nous avons créé avec cette trilogie : il est romantique, coloré et super original. J'aime aussi le sens du style de Lara, le fait qu'elle apprécie des choses uniques et singulières, jusqu'aux stylos qu'elle utilise pour écrire ses lettres", développe la comédienne du côté de Self, avant de conclure, poétesse : "Ce que j'aime chez elle, ce sont les toutes petites choses".
Un souci minutieux du détail qui, par-delà le naturel du jeune casting et son caractère très inclusif, a beaucoup compté pour le succès de ces films insouciants et légers. Autre chose, qui n'a rien d'un détail cette fois-ci, Lana Jean n'est ni bimbo ni nerd, elle est simplement "normale", réaliste, dissociable de tout stéréotype. On pourrait la croiser dans le couloir de n'importe quel bahut. Il y a dix ans, un personnage aussi discret aurait fait office de second rôle dans n'importe quelle série pour adolescents. Mais les temps ont changé, et c'est tant mieux.
Enfin, chose suffisamment remarquable pour le relever, All the boys dénote au sein d'un imaginaire où ce sont bien souvent les jeunes filles blanches qui ont voix au chapitre. Son interprète l'a remarqué, et pas qu'un peu. "J'ai vécu des moments où je débarquais dans une salle de casting, et toutes les filles autour de moi étaient des blondes aux yeux bleus, j'étais la seule fille asiatique. A ce moment vous vous dites : qu'est ce que je fais là au juste ?", témoigne-t-elle encore à Self.com. C'est dire si sa consécration fait office de jolie revanche culturelle.
"Ces films mettent en scène de bons personnages, qui ont un grand coeur. Dans ce monde sombre et effrayant, les gens veulent toujours voir d'autres personnes tomber amoureuses", analyse l'actrice dans les pages du Guardian. Une forme de "bonté" que Condor déploie au quotidien, s'acharnant à relayer les bonnes ondes de ses fictions. Cela fait quelques années que la jeune femme parraine un programme pour l'éducation des filles vietnamiennes, "la chose la plus importante [qu'elle ait] réalisée à ce jour", affirme-t-elle au journal british.
Mais jamais l'artiste, au style vestimentaire tout aussi inspirant (les médias spécialisés voient en elle une icône fashion), ne se fera passer pour une wonder woman. Non, elle se reconnaît davantage dans les failles de son alter-ego fictif. "Lara Jean est imparfaite, essaie toujours de comprendre comment exprimer ses sentiments, intenses", décrypte-t-elle à Self.com. Etre naturelle sans être déplaisante, attachante sans être superficielle : voilà le petit numéro d'équilibriste que la danseuse effectuait chaque jour de tournage de ces productions tout public.
Ses pas de danse, elle les effectue en sautant d'une production à l'autre. Entre deux longs, on a pu entendre la voix de la comédienne dans la super série animée BoJack Horseman. Et la voir dans d'autres shows chouettes comme la production Syfy Deadly Class, énième histoire d'école, mais un brin plus fantasque cette fois-ci.
Et la suite ? Elle se profile du côté de la télé, encore une fois, avec l'annonce de la prometteuse minisérie Netflix Boo, Bitch. Un énigmatique feuilleton surnaturel où Condor, en plus de ses talents d'actrice (elle y incarnera une lycéenne devenue fantôme, rien que ça), déploie une toute autre corde, encore une : celle de productrice. Oui oui, à 23 ans seulement. Respect.