En matière de jouets sexistes, Lego a un passif conséquent. En 2012, la marque avait lancé une gamme dédiée aux filles, Lego Friends, qui avait provoqué un véritable tollé tant elle jouait sur les stéréotypes de genre les plus grossiers. Une petite Américaine de 7 ans, Charlotte, avait même envoyé à la marque une lettre d'indignation devenue virale , dans laquelle elle soulignait que les filles, avec leurs Lego, ne pouvaient que "rester assises à la maison, aller à la plage, faire les boutiques" alors même que les garçons avaient la possibilité de "vivre des aventures, sauver des gens, et avoir un travail, ou même nager avec des requins" : "Je veux que vous fassiez plus de Lego filles pour les laisser partir à l'aventure et s'amuser, ok ?", concluait-elle.
Depuis, la marque a fait effort en la matière, en créant des figurines de scientifiques féminines, en diffusant des spots mixtes qui luttent contre les préjugés de genre ou en lançant une figurine de père au foyer. Mais les mauvaises habitudes peuvent mener la vie dure, et il semblerait que Lego ait à nouveau été pris en flagrant délit de sexisme par un professeur de maternelle enseignant dans les Pyrénées-Atlantiques, qui nous a fait part de son indignation.
Christian, enseignant en maternelle au Pays Basque (64), a en effet acheté pour ses jeunes élèves une boîte de Lego Education 9333. Ce jouet est décrit sur le catalogue officiel comme "un set pour explorer une variété de véhicules ainsi que leurs fonctions et pour apprendre à aider la communauté". Christian avait été séduit par l'apparent côté unisexe du jeu, qui comprenait des figurines masculines et des figurines féminines, avec plusieurs "visages" pour représenter diverses émotions.
Seulement, une fois en classe, Christian a remarqué avec ses élèves que s'il y a bien plusieurs expressions différentes pour les personnages, celles-ci étaient réservées aux filles. Les visages non maquillés (et donc plutôt masculins) étaient systématiquement souriants, tandis que les visages maquillés, avec du rouge à lèvres (plutôt féminins) avaient deux expressions : certains des visages étaient souriants, tandis que d'autres affichaient une expression effrayée. "Quelle ne fût pas ma surprise de voir que Lego Education véhicule les stéréotypes de genre plutôt que de lutter contre les inégalités filles/garçons !", explique l'enseignant indigné à Terrafemina.
Particulièrement attentif aux jeux qu'il sélectionne pour sa classe, afin qu'ils ne colportent pas de clichés sexistes, le professeur avait été trompé par la boîte du jeu, qui ne présentait que des filles souriantes. "J'ai demandé à la marque de remplacer les 4 têtes de "filles" peureuses de la boîte par des têtes de "garçons" souriants. Grâce aux perruques, ils représentaient très facilement des filles", ajoute encore Christian. "Je n'ai pas envie que mes élèves s'identifient à des garçons forcément fiers et des filles peureuses, craintives voire 'nunuches'!".
Car c'est bien là tout le problème. C'est à travers leurs jouets que les plus petits modèlent leur vision du monde et apprennent à s'y intégrer. Les jouets permettent de développer leur imagination, d'appréhender le rôle qu'ils auront à jouer au sein de la société et de se familiariser avec ses composantes. C'est pourquoi on peut déplorer que cette fenêtre sur le monde les renvoie trop souvent encore à une accumulation de clichés de genre, que les marques utilisent sans vergogne pour mieux vendre leurs jouets.
Le sexisme s'enracine donc dès l'enfance : les stéréotypes (l'aventure aux garçons, les filles à la maison) auxquels sont confrontés les enfants, à travers leurs jeux, leurs films, ou leurs livres sont si forts qu'ils influent sur leurs mentalités et leurs choix des enfants. Conséquence : des inégalités de sexes se perpétuent à cause du colportage de clichés sexistes et archaïques. Ainsi, les filles, tournées dès leur enfance vers des activités d'intérieur ou de soins à la personne, représentent 90% des effectifs des options santé, social et biotechnologies, considérées comme "féminines" alors qu'elles sont seulement 20% à travailler dans les STIM (Sciences, Technologies, Ingénierie, Mathématiques), traditionnellement vus comme des domaines "masculins". Il est donc nécessaire de d'accorder une vigilance toute particulière aux modèles que l'on présente aux enfants, afin qu'ils puissent s'identifier à ceux qui leur correspondent le mieux, et non pas uniquement à ceux qui sont censés correspondre le mieux à leurs genres.