Désormais aux Philippines, les femmes travaillant comme vendeuses, réceptionnistes ou hôtesses de l'air pourront troquer leurs talons hauts pour des "chaussures pratiques et confortables". Le ministère du Travail de l'archipel vient en effet de faire appliquer un décret qui interdit le port obligatoire de talons de plus de 2,5 cm de haut.
Saluée par les syndicats, cette mesure va grandement faciliter les conditions de travail de nombreuses femmes contraintes de rester debout pendant des heures dans le cadre de leurs fonctions. "C'est une forme de torture, juge auprès de l'AFP le porte-parole de l'Union des syndicats Alan Tanjusay. C'est une forme d'oppression et d'esclavage. Imaginez devoir endurer ce genre de douleur pendant huit à dix heures par jours."
"C'est aussi une forme de sexisme car culturellement, les employeurs disent que les femmes qui portent des talons hauts sont plus grandes, plus sexy et plus attrayantes, donc plus efficaces dans la vente. Ils ne savent pas que les femmes souffrent", ajoute-t-il.
Une étude menée par des chercheurs de l'Université de Stanford, aux États-Unis, a en effet montré que le port prolongé et régulier de talons hauts entraînait l'usure des articulations du pied et favorisait le développement de l'osthéoarthrose au niveau des genoux. Dans certains cas, seule une prothèse de genou, opération chirurgicale assez lourde, peut mettre fin aux douleurs liées à des articulations endommagées.
Le décret entré en vigueur ce dimanche 24 septembre précise que les chaussures portées au travail "ne doivent pas serrer les pieds ou les orteils, elles doivent être à la bonne taille, antidérapantes, soutenir correctement la plante des pieds, être soit plates, soit à petits talons compensés". Bref, des chaussures confortables pour qui passe des heures à travailler debout et à piétiner. Celles qui souhaiter continuer à porter des talons au travail pourront évidemment continuer à le faire, précise M. Tanjusay, expliquant que le décret était consécutif à de nombreuses plaintes de vendeuses ou d'hôtesses.
Par ailleurs, le texte ordonne aux entreprises d'accorder à leurs employées des périodes de repos et le droit de s'asseoir périodiquement.
Si en France, aucun texte de loi n'interdit aux employeurs de faire porter des talons hauts à leurs salariées, celui-ci a cependant le droit d'apporter certaines restrictions à la tenue qu'elles portent. Ces restrictions sont toutefois encadrées par des interdictions, comme celle de la discrimination. Par ailleurs, l'employeur se doit de garantir la sécurité et la santé de ses salariés. Interrogé l'an dernier par Terrafemina au sujet du port des talons au travail, l'avocat spécialiste du droit du travail Éric Rocheblave nous avait expliqué qu'en ce sens, imposer une tenue pouvant avoir une incidence sur leur santé était interdite. "Bien sûr, devant un juge, cela se traite au cas par cas. Mais le salarié est tout à fait légitime de refuser le port de talons", expliquait Me Éric Rocheblave. Avant de conclure que, "dans le cas où vous êtes sujette à une quelconque maladie vous empêchant le port de ce type de chaussures et ayant fourni une preuve de votre état de santé, un employeur ne peut vous licencier. Sinon, cela relève de la discrimination".