Les chiffres sont implacables : en 30 ans, le taux de natalité en Iran s'est effondré, passant de 6,8 enfants par femme en 1979 à moins de 2 aujourd'hui. Une évolution jugée alarmante par le pouvoir en place et notamment par le guide suprême de la révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei.
Bien décidé à instaurer une politique nataliste à long terme, celui qui occupe le poste le plus élevé de la République islamique d'Iran a promulgué, en mai 2014, un décret appelant les Iraniens à adopter un comportement nataliste « pour renforcer l'identité nationale », et lutter contre « les aspects indésirables du mode de vie occidental ».
Traduction législative de ce décret, le texte récemment voté par le parlement interdit les formes de contraception définitive que sont la vasectomie pour les hommes ou la ligature des trompes pour les femmes. La loi, adoptée par 143 des 231 élus du Majlis d'Iran, interdit également la publicité pour les moyens de contraception, et prévoit des sanctions contre les médecins qui enfreindront ces nouvelles dispositions, précise l'agence de presse Irna qui rapporte l'information.
Le parcours institutionnel du texte n'est pourtant pas encore terminé. La version votée par les membres du parlement doit désormais être examinée par le Conseil des gardiens, un panel de théologiens et de juristes nommés par Khamenei. Ces derniers doivent, en effet, se prononcer sur la conformité de la loi aux dispositions de l'islam.
Le texte de loi n'est pas la première décision de l'Iran en faveur d'une politique nataliste. Pour pallier ce déclin démographique, le gouvernement avait déjà diminué, depuis plusieurs mois, les budgets consacrés au planning familial dans les centres de santé. « L'accès aux moyens contraceptifs est devenu plus difficile », constatait alors Marie Ladier-Fouladi, démographe et directrice de recherche au CNRS, sur l'Express.
La crainte d'un dispositif surrané
Si cette réforme vise officiellement à parer au déclin de la population iranienne, les députés réformateurs craignent que le texte ne soit en réalité un moyen pour les conservateurs d'asseoir une vision traditionnelle de la famille, dans un pays où l'usage du préservatif est une pratique courante et où le planning familial est considéré comme une institution normale.
Depuis plusieurs années, nombre de femmes iraniennes ont eu accès à un niveau d'éducation supérieur. Pour les réformateurs, la nouvelle loi pourrait maintenir ces dernières dans un rôle d'épouse et de mère. « Le rôle principal de la femme est d'être une mère », prêchait ainsi le favori des conservateurs Saïd Jalili, en juin 2013 lors d'un débat télévisé consacré aux questions culturelles et de société. « Si nous considérions la maternité comme une tâche à plein temps consacrée à élever convenablement les enfants, nombre de problèmes sociaux seraient éradiqués », avait-il ajouté, à contre-courant des évolutions de la société iranienne depuis plusieurs années.
Pire encore, la nouvelle loi interdisant la contraception définitive conduirait, toujours selon les réformateurs, à un accroissement du nombre des avortements illégaux. Selon les médias iraniens, ces derniers étaient au nombre de 12 000 entre mars 2012 et mars 2013, soit plus de la moitié des avortements pratiqués durant cette année.
En attendant, le texte de loi fait réagir experts et société civile dans le pays. Si les premiers doutent que de telles mesures puissent inverser la tendance en matière de natalité, des internautes iraniens ont choisi de réagir à ces nouvelles dispositions avant humour. Peut-être encore l'une des meilleures réponses.