Elle attire votre corps comme un aimant. Vous êtes en train de vous faire happer comme un moustique dans un ventilateur. N'y allez pas, c'est UN PIÈÈÈGE !!
Vous avez poussé la porte de la librairie. S'en est fini de votre porte-monnaie. Vous avez beau avoir déjà plein de bouquins à terminer chez vous, le schéma est le même à chaque fois pour les grands lecteurs et les grandes lectrices. Vous n'allez pas pouvoir résister : du rayon romans à la sociologie ou aux polars, c'est parti pour la grande rafle.
Achetez un livre, c'est un moment, une envie, une pulsion, un peu comme une boîte de gâteaux ou une tablette de chocolat. Le thème du livre comme une tentation peut passer. L'envie s'en va ou le temps manque et vous abandonnez votre livre à son triste sort sur une étagère. Avant d'acheter encore d'autres ouvrages.
On vous l'annonce, vous êtes peut-être victime du syndrome de Tsundoku. Ce mot qui décrit la manie d'accumuler les livres vient du Japon. Il a même un mot-clef sur Instagram.
"Tsundoku" est issu d'un jeu de mot apparu au Japon pendant l'air Meiji (en plus de pouvoir se la jouer avec une belle bibliothèque, vous pourrez briller en société en expliquant l'origine du mot). "Tsunde" veut dire "empiler des choses" et "oku" signifie "laisser pour un temps". Être victime de tsundoku, c'est comme être accro à une drogue. Ce syndrome nous pousse à nous sentir coupable d'achats compulsifs.
Mais attention, il y a le bon grain de l'ivraie. Si vous êtes un faux tsundoku et si vous êtes assez riche, vous pouvez vous faire livrer des ouvrages dans le seul but de décorer votre intérieur. Des livres que vous ne lirez jamais mais qui font bien.
Mais est-ce si mal d'avoir autant de livres qui s'accumulent ? C'est la question que se pose l'écrivain Nassim Taleb dans le livre The Black Swan. Il raconte l'histoire des visiteurs de la bibliothèque d'Umberto Eco. Il y en a deux types. Le premier qui dit "Wow monsieur le professeur Eco, quelle belle librairie vous avez ! Combien de ces livres avez-vous lus ?" et la deuxième, "une minorité", qui ne pose pas cette question et qui comprend "qu'une bibliothèque privée n'est pas une appendice pour regonfler son ego mais un outil de recherche". La théorie de Nassim Taleb est donc que l'on devrait se laisser aller à l'achat de livres, même si nous ne sommes pas sûr·e·s de tous les lire.
Nassim Taleb explique : "Une bibliothèque doit contenir autant de ce que vous ne connaissez pas, et autant que vos moyens financier, votre taux d'emprunts et le marché de l'immobilier vous autorisent à y mettre. Vous accumulerez du savoir et plus de livres, et plus vous vieillirez, plus le nombre des livres non lus vous regardera de manière menaçante. Appelons cette collection de livres non lus une anti-bibliothèque". En somme, avoir ses étagères bourrées de livres vous maintiendrait constamment curieux du savoir qui vous entoure.
Bilan : la prochaine fois que l'on vous fait remarquer que vous achetez trop de bouquins sans les lire, vous pourrez dissiper les fumées de la fainéantise (ou de la maladie de l'achat compulsif) par le concept philosophique d'anti-bibliothèque. C'est chic.