Régis Bouyala est expert en systèmes et moyens de paiement, et auteur de l'ouvrage " Les paiements à l'heure de l'Europe et de l'e-paiement ", paru aux Editions Revue Banque.
Régis Bouyala : Je pense qu'il faut replacer ces chiffres dans une dynamique temporelle : il y a 18 mois, on ne parlait pas de " m-commerce ", cela n'existait pas. Les volumes sont donc encore faibles, mais le développement est extrêmement rapide, comme le montre la récente annonce de la société Paypal (système de paiement via Internet et téléphone mobile), relevant de 1.5 à 3 milliards de dollars, au plan mondial, sa prévision pour le montant des paiements par mobiles concernant ses clients pour l'année 2011. De son côté, la France n'est pas à la traîne dans ce domaine, les achats d'applications ou de jeux sont déjà très développés comme le sondage le montre – 74% des personnes ayant déjà effectué un achat avec leur téléphone portable ont acheté une application. Par ailleurs, les enseignes de e-commerce sont de plus en plus présentes sur les mobiles, et les systèmes de paiement sans contact (NFC), qui transforment le téléphone en substitut de carte bleue, sont en cours d'expérimentation. Le m-commerce recouvre tous ces aspects.
R. B. : Utiliser le terme de " garantie " pour parler de sécurité est trop ambitieux. Le 100% n'existe pas dans ce domaine malheureusement. Mais les opérateurs, les banques et les fournisseurs de solutionsde paiement travaillent à rendre le piratage le plus coûteux et le plus complexe possible, c'est la condition du succès du m-commerce. Certaines applications en développement proposent de confirmer tout achat via un code PIN unique, créé par l'utilisateur (société GenMsecure). Le système 3D Secure utilisé sur certains sites de e-commerce exploite déjà le mobile comme outil de sécurisation : chaque transaction virtuelle donne lieu à l'envoi d'un code à usage unique par SMS, qui ajoute un élément de sécurité de plus au couple login/mot de passe traditionnel.
R. B. : Le téléphone est un outil sûr et sécurisé grâce à la carte SIM. En effet, si l'on possède un moyen de paiement équivalent de la carte bleue sur son téléphone, on peut bloquer l'ensemble du système en bloquant la carte SIM (en cas de vol par exemple), alors que la carte bleue n'est jamais complètement bloquée, puisque la procédure d'opposition n'empêche pas les débits en dessous d'un certain montant.
R. B. : Ce n'est pas étonnant, parce que cette question touche à la protection de la vie privée des gens. Le m-commerce permet de croiser des données de géolocalisation et de comportements d'achat. Pouvoir envoyer à un quidam une annonce concernant un produit qu'il aime, alors qu'il se trouve à proximité du point de vente, c'est une nouvelle possibilité à la fois passionnante et effrayante. On se retrouve au coeur d'un véritable dilemme pour le client, qui doit composer entre l'envie de profiter au maximum d'offres intéressantes et la réticence à accepter toujours plus d'intrusion dans son intimité.
R. B. : Ce n'est pas impossible dans un bon nombre d'années. Mais il y a 20 ans, on annonçait la mort du chèque, et il est toujours là. Faut-il qu'un moyen de paiement remplace forcément tous les autres ? Cette population aujourd'hui encore très ciblée d'utilisateurs de smartphones ne va pas cesser de croître, et devrait faire exploser le m-commerce, mais on peut penser que les séniors d'aujourd'hui continueront majoritairement à préférer leur carte bleue ou leur chéquier.