Le 23 avril 2013, la loi Taubira qui ouvre les droits au mariage et à l'adoption d'enfants aux couples homosexuels a été votée par l'Assemblée Nationale après de longs et houleux débats dans l'hémicycle. Où en est-on 5 ans après ? Avec plus de 7 000 mariages gays célébrés par an, la France est ainsi devenu le 14e pays au mondial et le 9e européen à autoriser le mariage entre les personnes de même sexe.
Malheureusement, les adoptions sont beaucoup moins courantes que les mariages au sein des couples gays. "Il n'existe pas de chiffres officiels, mais le nombre de couples qui ont pu adopter en France ou à l'étranger est inférieur à dix", déplore Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL).
Pour les couples qui souhaitent former une famille homoparentale, la procédure s'apparente bien souvent à un véritable parcours du combattant. Toute personne souhaitant adopter un enfant doit d'abord obtenir un agrément, qui s'obtient généralement au bout de neuf mois, période pendant laquelle les couples passent plusieurs entretiens avec des assistantes sociales et des psychologues.
Une fois l'agrément obtenu, ce qui la plupart du temps aboutit favorablement, les couples qui souhaitent adopter une pupille de l'état doivent ensuite se présenter devant un conseil de famille qui va examiner leur dossier. Et c'est là que les choses se corsent pour les unions de personnes de même sexe. En effet, ces instances sont dirigées par des conseillers départementaux qui choisissent quels dossiers ils feront passer en priorité.
Le problème, c'est que certains conseils de famille "traditionnels" vont faire le choix de privilégier les couples hétérosexuels, comme l'explique Boan Luu, porte-parole de l'association APGL : "Certains conseils de familles sont tenus par des associations conservatrices, soutiens de La Manif pour tous, qui siègent dans ces conseils de famille".
Un choix que Jean-Marie Müller, président du conseil de famille de Meurthe-et-Moselle, assume pleinement : "On n'a rien contre les couples de mêmes sexe, mais tant qu'on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégie", explique-t-il à TV5 Monde.
Victimes de ces discriminations, de nombreux couples homosexuels souhaitant adopter voient leur délai d'attente s'allonger, et doivent parfois patienter 2 ou 3 ans pour que le dossier soit pris en compte. "Il faudrait anonymiser les requérants, comme cela se fait déjà pour l'attribution de logements sociaux à Paris", estime Alexandre Urwicz, président de l'Association des familles homoparentales (ADFH).
Autre recours possible : l'adoption d'enfants à l'étranger. Sauf que, comme le dévoilait une enquête de LCI réalisée en avril 2017, les couples homosexuels ne semblent pas plus favorisés de ce côte-là. En effet, peu de pays étrangers ouvrent la possibilité aux personnes de même sexe d'adopter.
Parmi les états de la Convention de La Haye qui l'autorisent : le Portugal, le Brésil, l'Afrique du Sud, la Colombie, l'État de Mexico (Mexique), et certains états des États-Unis. Le petit nombre de pays étrangers ouvrant le droit à l'adoption de parents du même sexe réduit donc considérablement la chance pour ces couples d'adopter.
D'autant plus que dans certains pays, l'adoption d'enfants pour les étrangers se fait de plus en plus rare. Selon les chiffres du ministère des Affaires étrangères, le nombre d'enfants adoptés à l'étranger a chuté de 50% en 2013. Au Mexique, aucun enfant n'a été adopté depuis 2014.
Quelles sont les options restantes pour les couples de même sexe qui souhaitent fonder une famille ? Pour faire avancer leur dossier plus vite, on conseille à certains d'entre eux de se tourner vers des enfants "à particularité" (plus âgés, en fratrie, avec handicap ou maladie grave), qui restent moins convoités par les couples hétérosexuels ou les célibataires.
D'autres choisissent également de contourner le système en adoptant avec le statut de célibataire ou se rendent dans des pays étrangers autorisant la GPA (Canada, Australie, États-Unis) et la PMA (Espagne, Belgique).
"Le droit est là, mais on ne s'est pas donné les moyens de l'appliquer", explique à FranceInfo Dominique Boren, coprésident de l'APGL. "Si vous êtes un couple d'homosexuels, vous avez une chance résiduelle pour que votre adoption aboutisse", déplore ce dernier.
Mais certains choisissent de se battre jusqu'au bout pour faire valoir leur droit à adopter au sein de leur pays. C'est par exemple le cas de Jean-Marc, 40 ans, qui confie à France Info : "je veux juste avoir les mêmes chances que tout le monde. La société n'est pas prête, mais moi je suis prêt."