La rentrée télé 2022 est marquée par le grand retour d'une émission culinaire reléguée au placard depuis 2015 : MasterChef. Ressuscitée par France 2 tous les mardis à 21h10, le concours de cuisinier·es amateur.rices a (agréablement) surpris dès son premier épisode par son dynamisme, son casting paritaire et inclusif, sa sensibilisation aux enjeux environnementaux comme l'anti-gaspi. Mais aussi par la bienveillance de son jury, prodiguant conseils et encouragement aux candidat·e·s tremblotant·e·s.
Georgiana Viou fait partie de ces joyeux mentors, aux côtés de Yves Camdeborde et Thierry Marx. Ancienne candidate du programme il y a douze ans, la voici passée de l'autre côté. Une belle consécration pour cette cheffe créative originaire du Bénin et amoureuse de la gastronomie française. Nous avons papoté (par téléphone) avec cette nouvelle venue pour l'interroger sur son parcours, ses inspirations et ses engagements.
Terrafemina : La cuisine pour vous, cela a été une évidence ?
Georgiana Viou : Mon rêve, à la base, c'était d'être interprète de conférence. Je n ai pas pu aller au bout de mon cursus : je venais d'arriver en France, j'avais un bébé, c'était compliqué. Je me suis alors lancée dans la cuisine car j'ai toujours faire un métier qui me passionnait. Et la cuisine était ma deuxième passion après les langues.
G.V. : Les produits avec lesquels j'ai grandi et une cuisine que je ne retrouvais pas en France. Mais j'ai évidemment adoré la cuisine française qui est si diverse, variée en fonction des régions et ses fromages. J'ai immédiatement adhéré à cette culture du jus, des sauces, le fait que l'on puisse retrouver des plats rustiques et des plats plus raffinés.
G.V. : C'est l'une des cuisines les plus abouties d'Afrique de l'Ouest. Elle est très riche et saine, avec des produits comme le souchet (plante herbacée vivace à tubercules), le gari (farine de manioc), une grande variété de viandes et de poissons, beaucoup de fruits et de légumes...
J'en utilise des produits typiques pour condimenter ma cuisine actuelle concoctée dans mon restaurant à Nîmes, Rouge. Comme le gombo, l'huile de palme artisanale, des graines de néré fermentées. J'en reprends aussi plein de techniques comme la fermentation, le séchage, la conservation dans le sel.
G.V. : Non, je n'ai pas ressenti cette discrimination. A l'époque déjà, il y avait cette tendance à la reconversion. Et puis 33 ans, ce n'est pas vieux, même si c'est en effet plus tardif que la moyenne en cuisine.
G.V. : On a pu me le faire ressentir mais ça a toujours été insidieux. Des réflexions du genre : "Tu ne connais pas cet ustensile, parce que tu viens de là-bas". C'était idiot car cela venait souvent de petits jeunes lors d'événements. Le fait d'être plus mâture m'a aidée à ne pas y prêter attention. Et puis on assumait aussi le fait que je faisais une cuisine "piquante" parce que je suis noire.
Heureusement, j'ai bien choisi les maisons dans lesquelles j'ai travaillé, j'ai toujours été bien accueillie. Mais j'ai des copines qui ont vraiment souffert de ça, je ne suis pas dans le déni.
G.V. : On m'a déjà dit que j'étais "à la mode" parce que je suis une femme noire. C'est tout bonnement ridicule. Ce que l'on entreprend au restaurant, on le fait pour les clients et pour grandir personnellement. Et je suis la première ravie quand des guides s'attardent sur mon travail, comme le Gault & Millau ou le Michelin qui m'a intégrée à ses coups de coeur. Ces guides ne mentionnent pas que je suis une femme et que je suis noire, mais ce qu'il y a dans l'assiette.
G.V. : Je veux pas être un porte-drapeau. Disons que j'avais une route toute tracée et je l'ai quittée. A force de travail, de persévérance, on peut y arriver. Tout ce que la société nous renvoie comme des obstacles, du style "Tu es une femme", "Tu es noire", "Tu es grosse", "Tu as six enfants" et j'en passe, il faut tenter de le transcender de manière à ce que cela ne nous empêche pas d'avancer. Est-ce que je me définis par ce que je suis ou par ce que je fais ? Non. C'est ce que je vais faire qui va définir qui je suis.
G.V. : Ma grand-mère est née dans une famille plutôt modeste, veuve très jeune avec huit enfants à charge. Mais loin de se décourager, elle a monté des petits commerces. Elle ne s'est jamais remariée et s'est donné les moyens à la force de sa tête et de ses bras. Voilà ce qu'elle m'a transmis : on peut toujours rebondir.
Ma mère, elle, m'a appris les gestes de cuisine et le goût des choses : elle avait ouvert un maki, un petit restaurant populaire, lorsque j'étais au collège. J'y passais souvent et j'ai appris à ses côtés, sans balance et sans livre de cuisine.
G.V. : Oui, par leur courage et par leur créativité. Parfois, je me disais : "Mais où est-ce qu'ils vont chercher ça ? ".
G.V. : Oui, et je crois qu'ils ne l'ont pourtant pas fait exprès, ce que je trouve génial. Et vous verrez qu'au fur et à mesure de l'émission, il arrive un moment où l'on a plus d'hommes que de femmes et que l'équilibre se récrée naturellement à deux filles-deux garçons. Et ce n'était pas de la triche puisque c'était une épreuve à l'aveugle ! (rires)
G.V. : Cela a toujours été ma philosophie. Et c'est l'une des raisons qui m'a aussi poussée à participer à l'émission, car ce sont des valeurs qui me sont chères. Ma cuisine zéro gaspi a toujours fait partie de mon ADN, comme me l'avaient appris ma grand-mère et ma mère qui ne jetaient rien. J'ai toujours utilisé un produit de A à Z.
Je ne suis pas végétarienne ou vegan, mais je prône le fait de manger de la viande et du poisson de façon raisonnable. Notre problème, c'est que l'on a été dans le "trop", il faut que cela cesse. Le végétal a toujours été au centre de mes assiettes.
G.V. : Donner de la place et la parole aux femmes et arrêter de les stigmatiser comme une minorité. Il faudrait arriver à un moment où l'on ne soit pas obligée de se justifier parce qu'on est une femme cheffe.
G.V. : Vous prenez une plancha ou une poêle bien chaude, vous choisissez une tomate coeur de boeuf bien charnue, tranchée dans la largeur. Vous obtenez une sorte de steak de tomate. Sur un filet d'huile d'olive versé dans la poêle, vous posez vos steaks de tomates dessus pendant 30 secondes. Vus obtenez alors une petite coloration. Vous reversez un filet d'huile d'olive, un peu de fleur de sel, éventuellement quelques copeaux de parmesan.
C'est délicieux ! On a ce petit goût de tomates farcies au four. J'aime les choses simples, le contraste chaud-froid dans les préparations.
Vous pouvez faire la même chose cet automne avec des courges en les coupant en quartiers et en les faisant cuire dans un four à 180° pendant 30 minutes. C'est succulent avec une sauce au fromage blanc.