"Je ne fais pas de cinéma car je suis homosexuelle". C'est clairement LA séquence médiatique du moment. Invitée de l'émission "Quelle époque" le 16 septembre dernier, l'actrice et humoriste Muriel Robin en a profité pour briser un tabou face à Léa Salamé, et sous le regard apparemment perplexe de Christophe Dechavanne : l'homophobie dans le petit monde du cinéma.
On l'écoute : "Je suis la seule dans le monde entier à dire mon homosexualité. Vous entendez, la seule actrice au monde, et c'est pour ça que pendant 30 ans, on ne m'a pas fait travailler dans le cinéma". Pour Muriel Robin, les seuls exemples contredisant son assertion viennent de la culture anglophone : Jodie Foster, Kristen Stewart, toutes deux lesbiennes... Opinion qui a suscité énormément de réactions.
Et pas les moins tranchées s'il en est : "Je soutiens sa cause et énorme respect pour elle mais une information est fausse", "Votre vie intime est personnelle. La plupart des gens normaux n'en ont rien à battre de la vie sexuelle des autres.", "Discours victimaire... il y a des tas d'acteurs homosexuels et depuis longtemps.", "Y a sans doute des gens qui perdent des opportunités parce qu'ils sont homosexuel. Je doute pas qu'il y a certains homophobes".
Et Muriel Robin d'ajouter : "Pourquoi les comédiens se taisent tous ? Je connais les acteurs homos français et on ne saura jamais qu'ils sont homos. Il n'y a pas de comédiens homos qui font une grande carrière".
Sur Twitter, les contradictions sont maigres : un seul nom d'actrice française ouvertement lesbienne revient incessamment, celui d'Adèle Haenel. Actrice ouvertement lesbienne qui, soit dit en passant, a décidé de se mettre en retrait du monde du cinéma. Ce qui signifie certainement quelque chose.
D'autres exemples renvoient à des personnalités décédés : nombreux sont ainsi les internautes à citer Jean Marais. Un débat qui dérange (ce qui n'est jamais une mauvaise chose) et a fait affluer les témoignages de stars. Comme celui de l'animateur Christophe Beaugrand, toujours éloquent au sujet des enjeux LGBTQ...
Sur Twitter, Christophe Beaugrand est venu ajouter sa pierre à l'édifice. Et va dans le sens de l'actrice : "Argumentaire intéressant. Pour vous donner mon témoignage, j'ai interviewé plusieurs acteurs qui cachaient leur homosexualité. Un notamment, souvent en premier rôle qui dit que s'il faisait son coming out on ne lui proposerait plus que des rôles de gay".
Cela ne se limite pas au cinéma, à l'écouter. Mais s'étend jusqu'au monde du PAF : "Pour citer mon exemple perso, beaucoup de gens m'ont déconseillé de parler de mon homosexualité en me disant que ça risquait de me freiner. J'ai plusieurs fois entendu dire que ça m'avait fait louper des projets. J'ai un collègue homo animateur dont la chaîne lui avait expressément demandé de ne pas en parler, comme si le public allait soudain le bouder".
L'homosexualité dans le monde du spectacle en général, demeurerait donc un indéniable tabou. Source de non dits, de complexes, de craintes pour soi, son avenir professionnel, sa carrière. Peur et homosexualité : difficile de nier la réalité, littérale, d'une "homophobie". A l'inverse, assumée, elle passe forcément pour un acte militant, politique, "radical", qui peut également engendrer une forme de mise au ban, de marginalisation, de stigmatisation...
Le génie lesbien, comme l'énonce Alice Coffin, a bien du mal à perdurer dans le cinéma français. Il en est de même de l'homosexualité en général. Pour l'autrice justement, l'autre problème, ce dont témoignent bien des réactions aux mots de Muriel Robin, est d'ignorer l'existence de cette lesbophobie, et homophobie.
A Terrafemina, l'autrice explique à ce sujet : "C'est un problème massif en France [de refuser d'en parler, ndlr]. Car cet aveuglement ne sert personne : comment dénoncer et combattre les problématiques si on refuse de les voir et de les nommer ? C'est ne pas reconnaître qu'elles existent sous couvert d'un "on s'en fout". Il y a un déni général".
Et Muriel Robin a très certainement quelques éléments de réponse à apporter à propos de ce déni, plutôt voyant vu les commentaires exacerbés que sa prise de parole a engendré : si on l'écoutait ?