Les hommes sont-ils en droit de dicter aux femmes la façon dont elles doivent se vêtir sous prétexte de préserver leur intégrité et leur morale ? C'est le débat qui fait rage depuis début novembre au Kenya, où les femmes réclament le droit de s'habiller comme bon leur semble sans risquer de se faire agresser ou de passer pour une « slut » (salope, en français).
Lundi 17 novembre, des centaines d'entre elles (et quelques hommes) ont défilé, pancartes à la main et vêtues de mini jupes dans les rues de Nairobi, la capitale du pays. Clamant « My Dress, my choice » (ma robe, mon choix), elles entendaient s'opposer à l'essor au Kenya du phénomène du slut-shaming, qui sous-entend que les femmes qui s'habillent de manière « provocante » s'exposent volontairement au méritent d'être harcelées sexuellement par les hommes qu'elles croisent dans la rue.
La « slutwalk » organisée lundi fait écho à l'agression filmée d'une jeune femme le 7 novembre dernier, et qui a suscité l'émoi de la population. Désormais supprimée de YouTube, la vidéo montre une jeune femme habillée d'un haut rouge et d'une jupe courte assaillie par une horde d'hommes dans une gare routière de Nairobi. Apostrophée par des individus passablement énervés qui l'accusent de jouer la « tentatrice », la victime est déshabillée de force puis touchée par plusieurs d'entre eux, tandis qu'une foule se masse autour d'elle sans chercher à intervenir.
Choquée par la vidéo, mise en ligne quelques heures seulement après les faits, Atieno Nyar South, une Kényane de 31 ans, décide de prendre position. Sur Twitter, elle lance le hashtag #MyDressMyChoice pour revendiquer le droits des femmes à disposer librement de leur corps. Il a depuis été repris par des milliers de ses compatriotes.
#MyDressMyChoice, my dressing should not be an invitation to be violated
— The bra seller (@carol_mwa) 12 Novembre 2014
If you don't like the colour your neighbour has painted on her wall, what gives you the right to bring that wall down? #MyDressMyChoice
— Felista Wangari (@FelistaWangari) 13 Novembre 2014
« Je l'ai choisi pour répondre à l'intolérance d'une partie de la société », explique à France Info Atieno Nyar South. Certains hommes expliquent que cela était justifié de déshabiller cette femme car elle était légèrement vêtue. Ces actes violents en public ont lieu depuis des années et personne ne fait rien. »
Le mouvement #MyDressMyChoice est pourtant loin de faire l'unanimité auprès de la population. Sous l'impulsion de Robert Alai, un blogueur suivi par plus de 138 000 followers sur Twitter, les défenseurs d'un code vestimentaire strict pour les femmes se rassemblent, eux, sous le hashtag #NudityIsNotMyChoice (la nudité n'est pas mon choix, en français). S'il récuse toute incitation à la violence, il estime que « la liberté vestimentaire que réclament certaines femmes n'est pas réaliste. Si je veux marcher nu dans la rue, la rue a le droit d'avoir une opinion sur ma façon de m'habiller. Chez moi, pas de souci mais pas dans la rue. »
Nudity is a form of sexual violence. #NudityIsNotMyChoice
— Robert ALAI (@RobertAlai) 17 Novembre 2014
So you are going to demonstrate? We will also demonstrate. We can't be bullied by nudists. #NudityIsNotMyChoice
— Robert ALAI (@RobertAlai) 15 Novembre 2014
Du côté des autorités, le choc national provoqué par la vidéo n'a pas pour autant incité à livrer une enquête approfondie. Malgré la volonté du vice-président du pays d'arrêter les auteurs de l'agression, la police a argué que comme la femme n'avait pas manifesté lundi ni ouvert de plainte, aucune suite ne serait donnée à l'affaire, rapporte la BBC.
>> Slut-shaming : faut-il rallonger sa jupe pour s'épargner les critiques ? <<