Mardi 24 juin, plus de 60 femmes et jeunes filles étaient kidnappées dans l'État de Borno, au nord-est du Nigeria. Des enlèvements survenus au cours d'une série d'attaques attribuées au groupe islamiste armé Boko Haram, et qui ont fait 30 morts selon des responsables locaux et habitants de la région. « Emmenées de force par les terroristes », selon un responsable de la localité de Damboa cité par l'AFP, les otages sont venues gonfler la liste déjà conséquente des femmes retenues par le groupe islamiste : plus de 300 depuis la mi-avril.
Mais alors que la presse internationale se fait déjà écho, depuis plusieurs semaines, des nombreux rapts qui touchent le nord-est du pays, la Coupe du monde de football est venue donner une dimension nouvelle aux évènements qui touchent les populations nigérianes, déjà aux prises avec Boko Haram depuis plusieurs mois.
Profitant de la dimension internationale de l'événement sportif, le groupe islamiste a intensifié son message par l'émission de tracts demandant la fermeture des lieux de diffusion et appelant la population à ne pas les fréquenter. Parallèlement, le groupe a mené plusieurs attaques contre des centres de retransmission et terrains de football.
Au moins 21 personnes ont ainsi été tuées mardi 17 juin par l'explosion d'une bombe pendant une retransmission en public du match Brésil-Mexique, au nord du pays. Deux semaines plus tôt, le 1er juin, plus de 40 personnes ont péri dans la même région lorsqu'une bombe a explosé au milieu de supporters juste après un match. Un bain de sang qui, s'il n'a pas été explicitement revendiqué, est attribué à Boko Haram pour plusieurs raisons.
D'une part, le chef du groupe islamiste, Abubakar Shekau a déjà donné sa vision du football dans des vidéos diffusées sur Internet : une perversion occidentale visant à éloigner les musulmans de la religion. D'autre part, la composition même de l'équipe : avec des joueurs âgés de 20 et 33 ans, la sélection nigériane fait évoluer des footballeurs catholiques et musulmans, certains se déclarant même très pratiquants. Un multiculturalisme qui va à l'encontre de la vision prônée par Bako Haram.
Résultat : « Aucun cri de joie devant les écrans géants, pas de fans de ballon rond dansant dans les rues », rapporte RFI qui décrit l'ambiance à Damaturu, ville de l'État de Yobe en plein cœur de cette région sensible. La population, terrifiée par les assauts quotidiens, renonce à se réunir pour célébrer ses Super Eagles, l'équipe nationale.
Si dès le début de la compétition, la police nigériane avait conseillé aux fans de football d'éviter de se réunir lors des retransmission de matchs, l'explosion du 24 juin dernier a fait monter la pression d'un cran. Au point que deux États du nord du pays ont tout bonnement interdit les rassemblements dans les lieux publics.
Au Brésil, la petit bulle du Mondial reste tout de même attentive aux conséquences de la compétition sur le reste du monde. À l'image du responsable des relations presse des Super Eagles qui indiquait avant le match du Nigeria contre la Bosnie que les attentats perpétrés par Boko Haram renforçaient « la détermination des joueurs ». Au lendemain de l'attentat, ces derniers avaient d'ailleurs respecté une minute de silence avant de débuter leur entraînement.
Terrible to read of fatalities & injuries in Nigeria, where fans were watching the #WorldCup. Football should unite people, not divide them.
— Joseph S Blatter (@SeppBlatter) 18 Juin 2014
La réaction de Sepp Blatter, président de la FIFA, aux événements qui touchent le Nigeria.
Côté tribunes, de nombreux supporters nigérians affichent, lors de chaque rencontre, des messages appelant au retour des jeunes femmes enlevées par Boko Haram, avec le désormais célèbre hashtag #BringBackOurGirls. Vendredi 20 juin, les journalistes dépêchés sur place pour couvrir la compétition ont également protesté contre cette vague de violence en arborant un tee-shirt comportant l'inscription « Le monde uni contre Boko Haram ».
Great gesture. #Nigerian press wear anti-Boko Haram t-shirts during World Cup. #BringBackOurGirls pic.twitter.com/jK3GQDgeVP
— Julie (@MsIntervention) 21 Juin 2014
« Le Mondial est une formidable opportunité opérationnelle pour Boko Haram », résume Yves Trotignon, spécialiste du terrorisme au cabinet Risk&Co, interrogé par Francetv info. Selon lui, la compétition est « une cible naturelle » pouvant générer de la médiatisation comme ont pu le faire jusqu'à présent les enlèvements successifs de jeunes femmes depuis avril.