Julie Muret : L'extension et le développement de mouvements féministes dans tous les pays sont une bonne chose : cela permet de faire progresser les idées féministes, alors que les inégalités femmes-hommes sont encore si flagrantes dans tous les domaines : égalité salariale, parité, précarité, violences faites aux femmes, prostitution...
En revanche, nous n'utilisons pas tout à fait les mêmes méthodes que les Femen qui sont dans un registre plus « guerrier ». Pour nous, le combat est davantage porté sur les idées que sur la résistance physique. Mais quand on sait, en Ukraine, dans quel contexte politique et dans quel climat de répression les Femen ukrainiennes vivent, ce mode d’action n'est pas étonnant.
Sur la question du néo-féminisme et de l’ancien féminisme, nous considérons qu’il n'y a pas à opposer un nouveau et un ancien courant. Nous avons les mêmes mots d'ordre, les mêmes idées, il n'y a pas de courants antagonistes. Nous sommes dans l'exacte continuité de nos précécesseuses sur l'égalité femmes-hommes et pour la liberté des femmes. Avec les Femen, nous avons la même position sur l'objectif de l'abolition de la prostitution qui exploite les femmes les plus vulnérables et souvent étrangères, dans un contexte de crise. De plus, nous utilisons tout autant l'humour, la créativité, la rue pour nous exprimer (collages sauvages, happenings...) que les Femen. Exactement comme dans les années 70, quand les féministes investissaient la rue ou dans les années 20, quand elles s'enchaînaient aux grilles de l'Assemblée pour réclamer le droit de vote et l'éligibilité.
J.M. : Il est dommage de jeter la pierre aux autres mouvements féministes déjà existants et de ne pas saluer ce sur quoi elles se battent au quotidien. Nous allons pourtant dans le même sens. Les combats sont toujours les mêmes : 27% d'écart de salaire entre les femmes et les hommes, métiers féminisés sous-payés et dévalorisés, écart de 42% des retraites, pas d’accès aux responsabilités, accès à la contraception et à l'IVG régulièrement remis en cause, pas de solution d'accueil et d'accompagnement pour les femmes victimes de violences, laïcité, liberté d'aller et venir, d'être considérées comme des citoyennes à part entière... Nous devons sans relâche interpeller et sensibiliser sur ces questions, sinon, nous n'avançons pas.
Militer, c’est à la fois un combat d'idées et des actions concrètes à mener, comme nous l’avions fait par exemple devant les magasins au moment des soldes en février dernier, afin de mettre l'accent sur la précarité des femmes salariées. La mixité sociale de nos militant-e-s est une préoccupation constante, même si comme tout milieu militant, ce sont des personnes issues de milieux plus favorisés qui s'engagent.
J.M. : On peut utiliser le corps pour le féminisme, comme par exemple pour aller défendre physiquement nos centres d’IVG dans la rue, et pas seulement sur Twitter. Mais en revanche, on ne peut pas forcément utiliser la nudité. Nous défendons la liberté sexuelle, la possibilité de se réapproprier son corps, mais avec une limite : la liberté, ce n'est pas non plus disposer du corps de l'autre (gestation pour autrui, prostitution). C'est dommage d'avoir à se déshabiller pour attirer l'attention sur le féminisme. En plus, il est assez paradoxal de dénoncer l'exhibition et l'exploitation du corps des femmes, et de parallèlement utiliser la nudité pour se faire entendre. Le féminisme est un combat d'idées, l'important est de les porter dans la société pour rencontrer un écho chez les gens, par tous les moyens possibles (Internet, réseaux sociaux, rue, happenings...)
Crédit photo : Femen
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