Société
OLF sur les Femen : "dommage de se déshabiller pour attirer l'attention sur le féminisme"
Publié le 26 septembre 2012 à 12:51
Par Ide Parenty
Le mouvement féministe ukrainien Femen a inauguré mardi dernier son « premier centre d'entraînement » à Paris, dans les locaux du Lavoir moderne. Mais que pensent les associations féministes des « sextremistes » et de leur vision du nouveau militantisme ? Nous avons posé la question à Julie Muret, porte-parole d'Osez le féminisme (OLF).
OLF sur les Femen : "dommage de se déshabiller pour attirer l'attention sur le féminisme" OLF sur les Femen : "dommage de se déshabiller pour attirer l'attention sur le féminisme"© Femen
La suite après la publicité
Terrafemina : Les militantes du mouvement féministe ukrainien Femen ont installé « le premier centre d'entraînement » au « nouveau féminisme » à Paris. Qu’est-ce que ce nouveau féminisme selon vous ? Vous sentez-vous proche de ces idées ?

Julie Muret : L'extension et le développement de mouvements féministes dans tous les pays sont une bonne chose : cela permet de faire progresser les idées féministes, alors que les inégalités femmes-hommes sont encore si flagrantes dans tous les domaines : égalité salariale, parité, précarité, violences faites aux femmes, prostitution...

En revanche, nous n'utilisons pas tout à fait les mêmes méthodes que les Femen qui sont dans un registre plus « guerrier ». Pour nous, le combat est davantage porté sur les idées que sur la résistance physique. Mais quand on sait, en Ukraine, dans quel contexte politique et dans quel climat de répression les Femen ukrainiennes vivent, ce mode d’action n'est pas étonnant.

Sur la question du néo-féminisme et de l’ancien féminisme, nous considérons qu’il n'y a pas à opposer un nouveau et un ancien courant. Nous avons les mêmes mots d'ordre, les mêmes idées, il n'y a pas de courants antagonistes. Nous sommes dans l'exacte continuité de nos précécesseuses sur l'égalité femmes-hommes et pour la liberté des femmes. Avec les Femen, nous avons la même position sur l'objectif de l'abolition de la prostitution qui exploite les femmes les plus vulnérables et souvent étrangères, dans un contexte de crise. De plus, nous utilisons tout autant l'humour, la créativité, la rue pour nous exprimer (collages sauvages, happenings...) que les Femen. Exactement comme dans les années 70, quand les féministes investissaient la rue ou dans les années 20, quand elles s'enchaînaient aux grilles de l'Assemblée pour réclamer le droit de vote et l'éligibilité.

Tf : Les militantes du Femen ont parfois des propos assez durs envers les autres associations féministes françaises qu’elles considèrent -en substance- comme trop intellectuelles ou dans des combats vieillissant. Comment recevez-vous ces propos ? En avez-vous discuté avec elles ?

J.M. : Il est dommage de jeter la pierre aux autres mouvements féministes déjà existants et de ne pas saluer ce sur quoi elles se battent au quotidien. Nous allons pourtant dans le même sens. Les combats sont toujours les mêmes : 27% d'écart de salaire entre les femmes et les hommes, métiers féminisés sous-payés et dévalorisés, écart de 42% des retraites, pas d’accès aux responsabilités, accès à la contraception et à l'IVG régulièrement remis en cause, pas de solution d'accueil et d'accompagnement pour les femmes victimes de violences, laïcité, liberté d'aller et venir, d'être considérées comme des citoyennes à part entière... Nous devons sans relâche interpeller et sensibiliser sur ces questions, sinon, nous n'avançons pas.

Militer, c’est à la fois un combat d'idées et des actions concrètes à mener, comme nous l’avions fait par exemple devant les magasins au moment des soldes en février dernier, afin de mettre l'accent sur la précarité des femmes salariées. La mixité sociale de nos militant-e-s est une préoccupation constante, même si comme tout milieu militant, ce sont des personnes issues de milieux plus favorisés qui s'engagent.

Tf : Les militantes du Femen s’exposent nues pour revendiquer leurs idées. Une méthode controversée. Selon vous, le corps peut-il être utilisé comme une nouvelle arme pour le féminisme ?

J.M. : On peut utiliser le corps pour le féminisme, comme par exemple pour aller défendre physiquement nos centres d’IVG dans la rue, et pas seulement sur Twitter. Mais en revanche, on ne peut pas forcément utiliser la nudité. Nous défendons la liberté sexuelle, la possibilité de se réapproprier son corps, mais avec une limite : la liberté, ce n'est pas non plus disposer du corps de l'autre (gestation pour autrui, prostitution). C'est dommage d'avoir à se déshabiller pour attirer l'attention sur le féminisme. En plus, il est assez paradoxal de dénoncer l'exhibition et l'exploitation du corps des femmes, et de parallèlement utiliser la nudité pour se faire entendre. Le féminisme est un combat d'idées, l'important est de les porter dans la société pour rencontrer un écho chez les gens, par tous les moyens possibles (Internet, réseaux sociaux, rue, happenings...)

Crédit photo : Femen

VOIR AUSSI

Femen : seins nus, les féministes 4e génération débarquent en France
Femen : la militante tronçonneuse de croix activement recherchée

JO de Londres 2012 : des féministes seins nus contre les islamistes

Mots clés
Société Monde feminisme france
Sur le même thème
"Nous courrons toutes un vrai danger" : les féministes dénoncent la menace que fait peser l'extrême droite sur les droits des femmes play_circle
Société
"Nous courrons toutes un vrai danger" : les féministes dénoncent la menace que fait peser l'extrême droite sur les droits des femmes
17 juin 2024
"TDS", transgenres, féminisme, marginalités : pourquoi Sean Baker est le renouveau du cinéma indé américain
cinéma
"TDS", transgenres, féminisme, marginalités : pourquoi Sean Baker est le renouveau du cinéma indé américain
7 juin 2024
Les articles similaires
"Parler de l'assassinat de Marie Trintignant, c'était pas assez glamour !", tacle Lio, féministe et fière de l'être play_circle
Société
"Parler de l'assassinat de Marie Trintignant, c'était pas assez glamour !", tacle Lio, féministe et fière de l'être
6 juin 2024
Féminisme : mais qu'est-ce qui lie Julie Gayet à Gisèle Halimi ? play_circle
Société
Féminisme : mais qu'est-ce qui lie Julie Gayet à Gisèle Halimi ?
31 mai 2024
C'est une révolution : le mariage gay est enfin autorisé en Thaïlande ! (la communauté LGBT s'en réjouit dans le monde) play_circle
Société
C'est une révolution : le mariage gay est enfin autorisé en Thaïlande ! (la communauté LGBT s'en réjouit dans le monde)
25 septembre 2024
Halle Berry méconnaissable ? 22 ans après son Oscar l’actrice a bien changé et est victime d’âgisme play_circle
Société
Halle Berry méconnaissable ? 22 ans après son Oscar l’actrice a bien changé et est victime d’âgisme
16 novembre 2024
Dernières actualités
"T'es détestable", ces séquences de la Star Academy nous prouvent que l'émission a bien changé play_circle
Culture
"T'es détestable", ces séquences de la Star Academy nous prouvent que l'émission a bien changé
18:30
"Pourquoi je serais allé violer une dame de 70 ans ?" : au dernier acte du procès de Mazan, les accusés scandalisent play_circle
scandale
"Pourquoi je serais allé violer une dame de 70 ans ?" : au dernier acte du procès de Mazan, les accusés scandalisent
18:00
Dernières news