"Aujourd'hui, vendredi premier février 2019, mon sang a coulé dans Paris. Car il était temps de remettre les choses au clair : quoi que vous pensiez, nous avons le dernier mot. Nous avons le pouvoir de décision". Ces mots sont ceux d'Irene, étudiante parisienne de 20 ans, qui a lancé une campagne sur Instagram pour lutter contre la précarité menstruelle.
Ce terme désigne les difficultés financières pour certaines femmes de se procurer, chaque mois, des protections hygiéniques. Un problème qui touche majoritairement les étudiantes et les femmes sans emploi et/ou sans domicile fixe.
Pourtant, on en parle peu dans notre pays : aucune enquête nationale n'a été menée pour chiffrer l'étendue de la précarité menstruelle en France. Il faut dire que les règles ont longtemps fait l'objet d'un tabou, en partie brisé par la bataille féministe porté par le collectif féministe Georgette Sand en 2015 contre la taxe tampon, qui a abouti à l'abaissement de la taxe imposée sur ces produits de 20% à 5,5%.
Cette victoire n'a toutefois pas tout "réglé" puisque encore aujourd'hui les règles continuent de coûter trop cher à de nombreuses femmes (entre 5 et 7 euros en moyenne selon les associations). C'est pour protester contre cette précarité et pour inciter à davantage parler des règles qu'Irene a choisi de se rendre à l'université en leggings gris, sans protection périodique, en plein cycle menstruel.
"Vous avez beau ne pas vouloir payer pour nos protections, vous avez beau trouver ma performance inutile, sale, ignoble, vous ne pourrez pas empêcher nos flux se libérer", écrit-elle dans sa story Instagram.
Elle ajoute : "Nous sommes des millions et des millions de personnes menstruées sur la planète, nous n'avons donc pas besoin de faux sang pour tacher les rues, pas besoin de faire semblant. Nous payons le prix de l'oppression, le prix de la misogynie, le prix des inégalités, vous n'allez quand même pas croire que nous allons en plus payer pour foutre du chlore dans nos chattes pendant que vous continuez de stigmatiser et diaboliser notre sang, nos poils et notre merde."
Le message d'Irene est clair. Tout comme son objectif : à savoir, exiger de l'État que les dépenses liées à l'approvisionnement en protections périodiques soient totalement prises en charge.
"Aujourd'hui, j'ai laissé couler mon sang pendant 12h et j'ai réalisé à quel point cela ne m'a demandé aucun effort, aucun courage, aucune force."
"Ma journée a été d'une normalité ahurissante, ce qui, j'espère, vous fera trembler de peur. Car oui, contrairement à ce que les pubs de tampons montrent, avoir ses règles est banal, normal, quotidien. La moitié de la population les a. Ainsi, vous qui nous voulez complexées, ignorantes de notre propre nature et silencieuses, vous qui nous voulez dans la précarité économique."
Ces dernières années, les initiatives pour lutter contre la précarité menstruelle se multiplient dans l'Hexagone. En témoigne le succès de l'association Règles Élementaires fondée par Tara Heuzé en 2015 qui organise des collectes de protections périodiques dans toute la France.
En octobre dernier, Axelle de Sousa, citoyenne française qui a vécu de longues années à la rue, a lancé la pétition "Paie tes règles" sur Change.org pour que les femmes qui ont leurs règles disposent de protections périodiques gratuites dans les espaces publics.
Une initiative encouragée par la faculté de Lille, qui, fin 2018, a décidé de distribuer gratuitement 30 000 kits de protections périodiques à ses étudiantes.