Le principe du libre choix du prénom par les parents de l'enfant a été instauré par la loi du 8 janvier 1993. Cette loi est venue abroger celle du 11 germinal an XI, qui prévoyait que le prénom devait obligatoirement être choisi dans les différents calendriers en usage ou parmi les noms des personnages connus de l'histoire ancienne.
Le choix du prénom de l'enfant est aujourd'hui régi par l'article 57 du Code civil, qui prévoit que les prénoms de l'enfant sont choisis par ses père et mère. L'officier d'état civil n'a donc plus le droit de refuser un prénom que lui indiqueraient les parents. Toutefois, le législateur ayant bien conscience que la fantaisie des parents peut avoir des conséquences sur l'avenir de l'enfant, il a néanmoins prévu une limite à cette liberté de choix, justifiée par l'intérêt de l'enfant : l'officier d'état civil peut ainsi, si le prénom lui paraît "contraire à l'intérêt de l'enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de famille", en aviser le procureur de la République. Celui-ci pourra saisir le juge aux affaires familiales, qui décidera si le prénom est conforme ou non à l'intérêt de l'enfant ou méconnait le droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, et pourra le cas échéant ordonner sa suppression des registres de l'état civil.
Vous pouvez donc librement prénommer votre enfant, en inventant un prénom (en mélangeant deux prénoms existants par exemple), ou en lui donnant le prénom ou un prénom inspiré d'un personnage de fiction voire d'un lieu ou d'une marque, à condition de respecter les deux limites prévues par la loi : d'une part l'interdiction de porter atteinte au droit d'un tiers sur son nom de famille, et d'autre part l'intérêt de l'enfant, excluant les prénoms jugés trop difficiles à porter ou ridicules.
Cette deuxième catégorie représente l'essentiel de la jurisprudence en la matière. En effet, si Emma et Nathan figurent au classement des prénoms les plus donnés en 2015, de plus en plus de parents se refusent à choisir un prénom figurant dans les traditionnelles bibles des prénoms et rivalisent d'originalité pour donner à leur enfant un prénom unique. Face à ces différents prénoms, la jurisprudence oscille et tente de concilier au mieux intérêt de l'enfant et respect de la liberté des parents, ce qui donne parfois des décisions dont la logique est bien difficile à comprendre.
Pour tenter de vous donner une idée des limites admissibles ou à ne pas franchir, voici un échantillon des cas sur lesquels se sont prononcés les juges :
Les inspirés : certains parents ont délaissé les prénoms de saints pour se tourner vers d'autres patronymes de références plus ou moins connues : les juges se montrent la plupart du temps conciliants avec ces choix dans la mesure où, bien qu'originaux, ils ne sont pas selon eux ridicules ou péjoratifs. C'est ainsi qu'ont été admis, parfois après un refus initial, les prénoms Zébulon, Tokalie (tiré d'un monument religieux), Fidji, ou encore Mickey. Les prénoms Soleil et Loïna (contraction du prénom des parents Loïc et Anna) ont également été acceptés.
En revanche, les juges ont refusé les prénoms Toulouse, Manhattan, Babar, Assédic, ou plus récemment Fraise (qui a donc été transformé en Fraisine, prénom usité au 19e siècle, ce qui le rendrait apparemment beaucoup plus facile à porter selon les juges), Nutella, MJ, en référence à Michael Jackson, et Titeuf. Ce dernier a suscité un débat jusqu'à la Cour de cassation, avant d'être définitivement rejeté au motif que "l'association du prénom Titeuf au personnage de pré-adolescent naïf et maladroit risque de constituer un réel handicap pour l'enfant devenu adolescent puis adulte, tant dans ses relations personnelles que professionnelles."
Les humoristiques : d'autres, plutôt qu'une référence à un personnage ou à un lieu connu, ont choisi d'exprimer leur sens de l'humour à travers leur enfant, ce qui est généralement plus difficile à admettre pour les juges. C'est ainsi que les prénoms Folavril, Joyeux et Patriste ont été rejetés, de même que les prénoms Babord et Tribord pour des jumeaux. Le prénom Mégane associé au nom de famille Renaud a en revanche été admis : la cour d'appel a en effet estimé que le prénom avait été choisi par les parents sans arrière pensée, que l'inconvénient tiré du fait que l'association du prénom et du nom de l'enfant rappelle un modèle de voiture était amené à disparaitre, et que le changement de prénom entrainerait pour l'enfant un trouble certain.
L'orthographe personnalisée : enfin, l'orthographe est également un élément important du prénom : les juges n'ont ainsi accepté le prénom Steffi pour une fille qu'à condition qu'il s'orthographie Steffie, et ont refusé le prénom Marti orthographié à la catalane avec un accent aigu sur le "i", en arguant que les registres de l'état civil devaient être tenus exclusivement en français, laquelle langue ne connait pas d'accent sur les "i". En revanche, le prénom Capucine orthographié Castpucine d'après une commune de Bretagne (St Cast) a été admis.
Enfin, même lorsqu'un prénom a été admis en justice, l'article 60 du Code civil ouvre une dernière porte de sortie en permettant à toute personne ayant un intérêt légitime de demander à changer de prénom auprès du juge aux affaires familiales. Cette action peut être effectuée par l'enfant devenu grand, ou s'il est mineur par son représentant légal (si l'enfant a plus de treize ans, son consentement sera requis).
Pour éviter un drame familial et ne pas blesser les parents inventeurs de ce prénom devenu trop lourd à porter, il reste également possible, plutôt que le changement de prénom, de demander l'adjonction, la suppression ou la modification de l'ordre des prénoms.
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