La redoutable judokate iranienne Leila Hosseini pensait affronter tous les pays étrangers durant ce championnat du monde où elle enchaîne les combats, et les victoires. Mais d'une certaine manière, cette année, elle va devoir lutter... contre le sien !
Voilà pour le pitch à la fois limpide et puissant de Tatami, récit d'une sportive dont le gouvernement exige le retrait par abandon lors de compétitions olympiques, dans un but purement politique. Sauf qu'elle refuse de simuler une blessure et donc, de lâcher la rampe. Quitte à mettre en péril sa vie et celle de sa famille.
Ce film à découvrir en salles dès à présent est unique à plus d'un titre.
Déjà, car, célébré par la critique, il éclot d'une collaboration entre Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv, un metteur en scène iranien et un metteur en scène israélien, union qui a fait grincer bien des dents. Ensuite, car ce récit de bataille intime pour une première médaille d'or iranienne se permet de capter la réalité hautement patriarcale du pays. Droits des femmes mis en péril, menaces, intimidations diverses...
Et ce à travers deux grands portraits de femmes : celui de la judokate Leila donc, mais également - et c'est d'autant plus captivant en vérité - de son entraîneuse Maryam, cible de pressions infernales, ex sportive trouble et complexe, toute d'émotions contradictoires.
Cependant, pour dire les choses, ce qui nous sidère le plus dans Tatami, c'est sa mise en scène, hyper impressionnante. Elle marque la rétine. Et reste. On vous raconte l'expérience...
Voilà un film aussi sensible que viscéral.
Car Tatami opte pour la mise en scène la plus organique qui soit. Le dispositif est clair : nous faire suivre en temps quasiment réel les divers combats de judo de notre protagoniste. Mais aussi... Leur intensité. Ainsi la caméra va aller jusqu'à adopter les mouvement les plus improbables. Renversements, chocs, inversions : cette réalisation très physique nous immerge au plus près des coups et des corps.
En émane quelque chose de très frontal. A cela, ajoutez une gestion du temps très réaliste et, surtout, un noir et blanc dont les très forts contrastes exacerbent ce que vit Leila : un cauchemar éveillé. Ce noir et blanc très onirique (comme dans le Eraserhead de David Lynch), mais surtout très anxiogène, vient également sublimer les arènes, comme pouvait le faire il y a quarante ans déjà le Raging Bull de Martin Scorsese.
Une référence évidente pour ce coup de poing filmique !
Cet usage des couleurs fait du lieu - tout le film est un huis clos quasi absolu - un théâtre lugubre d'ombres et de lumières, où les vrais combats ne se jouent pas du tout dans l'arène. Mais en dehors.
Le tout dans un grand portrait de femmes au pluriel, sportive et entraîneuse, incarnées par deux comédiennes à l'admirable conviction, prônant par-delà leurs alias de fiction la liberté des citoyennes iraniennes, la défense de leurs droits fondamentaux... C'est donc une réussite. Et vous feriez mieux de foncer en salles !