Si les femmes ne tombent plus enceintes, c'est parce qu'elles travaillent et sont devenues trop masculines. C'est grosso modo ce qu'a affirmé Fiona Kacz-Boulton, une "experte en fertilité naturelle" lors du Fertility Show, un événement organisé à Londres ce premier week-end de novembre pour aider les couples à maximiser leurs chances de concevoir un enfant.
Devant un auditoire composé de médecins et de couples, ce gourou de la fertilité, qui se targue sur son site Internet de pouvoir faire tomber une femme enceinte même si elle n'a pas ses règles et que ses tentatives de FIV ont échouées, a déclaré sans sourciller que les femmes participant activement aux ressources du ménage et qui poursuivent une carrière avaient peu de chances de tomber enceintes. En effet, ces attitudes "masculines" auraient un effet biologique néfaste sur leur fertilité.
Pour appuyer ses propos, Fiona Kacz-Boulton a pris l'exemple d'une femme enseignante qu'elle a reçu en consultation car elle et son compagnon n'arrivaient pas à avoir un enfant. "Elle était celle qui avait le revenu le plus régulier et elle portait le pantalon dans leur relation. Cela affecte la fertilité féminine. [...] C'est parce que vous agissez de manière masculine et que vous vous attendez à ce que votre corps se comporte de manière féminine."
Elle a aussi ajouté qu'en essayant d'atteindre les mêmes buts professionnels que les hommes, les femmes mettaient leur corps dans un état "masculin" ou "yang" alors que pour être capable de concevoir, le corps d'une femme doit être dans un état "féminin", donc "ying". En bonne conservatrice, Fiona Kacz-Boulton conseille donc aux femmes de changer de job ou de tacher de "mieux gérer leur stress".
Traduction de ce charabia : Nous, les femmes, sommes incapables de tout avoir, de mener une carrière et de fonder une famille. Celles d'entre nous qui cherchent à faire carrière nuisent à leur corps, et donc à leur fertilité et à leur famille. Pour avoir des enfants, il vaut mieux pour nous revoir nos ambitions professionnelles à la baisse, voire d'arrêter carrément de travailler, tant qu'à faire. Car, rappelle l'experte, c'est à l'homme avec un grand H de "porter le pantalon" dans un couple.
Nous en sommes donc encore là. En 2017. On vous laisse un moment pour mesurer l'ampleur de la bêtise d'un tel discours et ses possibles effets sur des femmes qui travaillent (et qui aiment ça) mais qui peinent à tomber enceintes.
Outre-Manche, plusieurs médias ont relayé le discours de cette soi-disant spécialiste es fertilité pour démonter que ce qu'elle cherchait à faire passer pour des faits scientifiques était tout simplement faux. Metro rappelle ainsi que le National Health Service, le système de la santé publique au Royaume-Uni, a prouvé que la majorité des couples ayant très régulièrement des rapports sexuels parvient à procréer dans un délai de six mois. Si ce n'est pas le cas, précise le NHS, les causes plus courantes sont l'âge, l'état de santé ou la méconnaissance de son cycle de fertilité. Le fait que la femme dudit couple travaille n'entre donc pas en ligne de compte. Ô surprise.
Évidemment, il est possible d'éprouver du stress au travail et que ce stress ait des répercussions sur sa santé et sa fertilité. Là n'est pas la question. La question ici, c'est d'un énième cas de culpabilisation des femmes qui n'arrivent pas à avoir d'enfant. Ce que leur dit à demi-mot Fiona Kacz-Boulton c'est qu'en choisissant de travailler, elles sont égoïstes. Et que celles qui peinent à tomber enceintes sont responsables de leur situation. Ce type de discours véhicule aussi des stéréotypes de genre qui contribuent à maintenir les femmes dans un rapport de soumission par rapport aux hommes : en étant ambitieuses et "portant la culotte" dans leur foyer, elles deviennent masculines et donc "volent" la place des hommes ce qui, de fait, les empêche d'avoir des enfants.
Interrogée par le DailyMail, la professeure Greeta Nargund, directrice médicale du centre Create Fertility, a ainsi remis en question l'analyse de Fiona Kacz-Boulton. "Il est possible que les femmes dans un environnement à haute pression soient plus stressées, ce qui peut nuire à leurs chances de concevoir. Mais l'essentiel est que les femmes conservent un mode de vie sain. Catégoriser l'ambition comme masculine est un stéréotype de genre. Les femmes peuvent avoir à la fois un emploi très performant et une famille", a-t-elle déclaré.
Cela n'a pas empêché Fiona Kacz-Boulton de camper sur ses positions en expliquant que la conception dépendant d'un juste équilibre d'énergies "masculine" et "féminine". La gourou de la fertilité conseille également aux femmes de manger des aliments bio, d'utiliser des stores occultants pour dormir et de faire du yoga pour maximiser leurs chances de concevoir. "C'est un fait biologique, c'est la société qui considère cela comme sexiste. Le fait est que la société n'aide pas ces femmes, elle les encourage à faire carrière et de fait elles reportent leur projet d'enfants le plus longtemps possible."