Le monde du travail serait-il responsable du manque en soi dont souffrent nombre de femmes actives et qui les empêche d'accéder aux mêmes postes que les hommes ? C'est ce qu'avance le cabinet de conseil en management américain Bain & Co. Au printemps, ce dernier a publié dans la prestigieuse Harvard Business Review une étude réalisée auprès de plus de 1 000 salariés américains portant sur leurs ambitions professionnelles.
Premier constat fait par l'étude : à leur arrivée sur le marché du travail, les femmes sont sensiblement plus confiantes que les hommes en leurs capacités à occuper des postes directionnels. 43% des jeunes femmes et 34% des hommes interrogés ont ainsi déclaré qu'ils aspiraient à occuper un jour un poste de direction. À la question "êtes-vous suffisamment confiant(e) pour atteindre vos objectifs ?", 27% des femmes et 28% des hommes ont répondu "oui".
Or, Bain & Co. a constaté que le "confidence gap" (l'écart de confiance en soi qui sépare femmes et hommes sur le marché du travail) se creuse à mesure que les salariés bâtissent leur vie professionnelle. Plus confiantes que les hommes à leur arrivée dans le monde du travail, les femmes tendent à perdre leur assurance environ deux ans après leur embauche. Seules 16% des employées expérimentées ont déclaré aspirer à atteindre un poste de top management, contre 34% des hommes.
Les femmes seniors occupant des postes de direction accusent elles aussi une baisse de confiance en elles : 29% seulement estiment qu'elles peuvent encore gravir les échelons hiérarchiques, contre 55% de leurs homologues masculins.
Une culture de l'entreprise qui exclut les femmes
Comment expliquer cette perte d'assurance des femmes après quelques années en poste ? Pour les auteurs de l'étude, ce n'est pas tant la conciliation entre vie pro et vie perso qui est en cause, mais surtout la difficulté qu'ont les femmes à se conformer aux stéréotypes des "gens qui réussissent" en entreprise. Celle-ci, avec ses salles de réunion où les femmes se font régulièrement couper la parole, est un terrain où domine une culture qui exclut les collaboratrices et où prospère une forme de solidarité virile.
"Alors que les entreprises peuvent différer à bien des égards, il existe une large reconnaissance d'un modèle idéal de travailleur qui est profondément enraciné", écrivent les chercheurs. Or, nombreuses sont celles qui ne se reconnaissent pas dans l'archétype du salarié idéal, qui ne rechigne pas à faire des horaires à rallonge, est douée pour l'auto-promotion et est toujours joignable par e-mail ou téléphone. En pensant ne pouvoir concilier ces engagements professionnels avec leurs aspirations à une vie de famille, les femmes se jugent finalement aussi durement qu'elles sont jugées par leurs confrères.
Cependant, les auteurs remarquent que les hommes étaient eux aussi de plus en plus réticents à l'idée de se conformer à cet idéal. "Notre étude montre que 45% des salariés de moins de 30 ans envisagent plus que tout autre catégorie d'âge de s'accorder périodiquement des pauses dans leur carrière. Ce constat va dans le sens d'autres recherches qui affirment qu'il y a une différence entre générations sur la façon dont les hommes et les femmes considèrent le travail."