Que s'est-il passé entre la génération American Pie et la génération Sex Education ? Jadis, les films pour ados débordaient de potacherie et de protagonistes obsédés, séries et films érigeant le fait de "coucher" comme le lifegoal ultime. Comme si tout ne pouvait tourner qu'autour de cela, ce Saint Graal. On en est un peu sorti désormais. Vu le niveau de certains teen movies des années 2000, difficile de s'en plaindre.
Les temps changent : la génération Z, celle des personnes nées entre 1996 et 2010, désire que leurs séries et films préférés déploient moins de scènes de sexe et beaucoup plus de relations platoniques. C'est ce que révèle une nouvelle étude : sur 1 500 ados sondés, 51,5 % partagent cette réflexion.
Plus d'amitiés meufs/mecs par exemple, sans forcément que l'attirance hétéro ou gay implique "de coucher", d'avoir "un crush", de tenter la séduction. La preuve d'un gros ras le bol générationnel ? Peut être...
C'est une enquête super intéressante que ce nouveau rapport relayé par Entertainment Weekly. Pourquoi donc ? On vous raconte tout.
Selon cette étude intitulée "Teens and Screens" et menée par le Center for Scholars & Storytellers, les teenagers considéreraient pour une grande partie les scènes de sexe comme totalement "gratuites" dans la plupart des productions culturelles. Donc, inutiles pour la plupart.
"Ils en ont surtout assez des récits stéréotypés et hétéronormatifs qui valorisent les relations amoureuses et/ou sexuelles – en particulier celles qui sont toxiques – et recherchent davantage de représentations de l'amitié, qui est un aspect essentiel de l'adolescence et du bien-être social", lit-on.
44,3 % des sondés estiment que la romance dans les films et séries est "suremployée" et 47,5 % que le sexe "n'est pas nécessaire pour l'intrigue de la plupart des séries et films". D'autres notent encore l'abondance de stéréotypes, qu'ils soient racistes, sexistes, de tropes dénotant d'une vraie paresse scénaristique... Difficile de les contredire pas vrai ?
Ce rapport suggère un désir des jeunes générations, celui de voir des thèmes comme l'asexualité davantage illustrés à l'écran - l'asexualité, c'est le fait de n'éprouver aucune attirance sexuelle en général. Des séries comme Bojack Horseman et Sex Education (on y revient toujours) ont déjà pu le faire.
Et plus encore, que les séries et films cessent d'imposer la sexualité en injonction absolue. En l'érigeant en "passage obligé", volontiers gratuit, qui intervient dans l'intrigue, les créations plutôt que de décomplexer leur audience imposent un nouveau complexe : l'injonction sociale au sexe.
A ce sujet, on se rappelle des mots de Tal Madesta, auteur du passionnant "Désirer à tout prix", stimulant essai publié dans la collection de Victoire Tuaillon ("Les Couilles sur La Table"). A Terrafemina, Tal Madesta expliquait :
"L'impératif sexuel concerne énormément de personnes et fait souffrir énormément. La sexualité est un système qui structure idéologiquement, culturellement et légalement la société. C'est aussi une obsession collective dont tout le monde est victime".
Si quelques boomers brandiront la pancarte du "puritanisme", on peut quand même se réjouir que les nouveaux publics aient soif... De nouvelles images. Et d'une richesse un peu plus nette des relations humaines, plus proche de la réalité. Les séries et les films n'en sortiraient que meilleurs...