En montant à bord de la Nouvelle Seine, on ne savait pas vraiment à quoi s'attendre.
On avait lu des critiques dithyrambiques sur Sexpowerment en essayant un maximum de ne pas se spoiler avant d'y aller. On savait qu'on s'amuserait, qu'on apprendrait tout un tas de trucs sur le sexe. Mais on n'avait aucune idée qu'on serait touchée à ce point.
Claire Assali et Lisa Wisznia, qui ont adapté l'essai de Camille Emmanuelle en lui greffant des expériences perso et des animations visuelles démentes, nous transportent dans leur intimité, nous font questionner la nôtre et en profitent aussi pour nous poser une question essentielle : est-ce qu'on sait dessiner une vulve ?
Bof, apparemment. Quand elles nous mettent au boulot et ramassent les copies, on fait le constat que pas grand monde ne sait réellement à quoi ça ressemble - ce soir-là un homme aura même réalisé une oeuvre baptisée "le taureau" par Lisa. On vous laissera imaginer.
Elles abordent les clichés autour de l'orgasme clitoridien et vaginal - complètement inventés par Freud qui en prend pour son grade pendant le spectacle, à juste titre -, elles taclent les idées reçues et elles se confient, surtout. Sur leur première fois, sur leur féminité, sur leurs expériences-clés.
Une volonté de leur part, pour créer une sorte de zone de confort qui invite l'audience à se mettre à nu. "On souhaitait être vulnérable pour autoriser les gens à se placer aussi dans ce rapport à leurs propres expériences", explique Claire le lendemain de la représentation, quand on rencontre les deux actrices-autrices autour d'un café matinal.
"Le message important de ce spectacle, c'est qu'il n'y a pas de norme, que sexe = ce que vous voulez. Ce n'est pas grave de ne pas toujours avoir envie de faire l'amour, ce n'est pas grave de ne pas toujours avoir d'orgasme, d'aimer le sexe de routine", ajoute Lisa.
Elles ont appris il y a peu que le spectacle serait prolongé jusqu'à fin mars 2019, avec deux séances par semaine au lieu d'une seule. Il y a même des projets de conférences. A force, elles sont devenues "pros du sexe" ? "A partir du moment où on a décidé de s'emparer de ce sujet et que c'est devenu notre quotidien, c'est devenu un TP permanent !", rient-elles. "Et ça crée des liens au final".
Même avec le public. Des femmes, des couples de tous les âges et aussi beaucoup d'hommes : "Ça les concerne autant que nous, ils subissent des pressions qui leur sont propres, beaucoup ne savent pas comment s'y prendre tant qu'on ne leur explique pas comment on fonctionne. On est coresponsable du plaisir."
Thomas est l'un d'entre eux. Dans son interview signée Néon incorporée à la représentation, il raconte son vécu et les attentes des femmes envers les hommes (notamment sur l'endurance ou la taille du pénis). Il indique aussi que la communication avec sa partenaire, "qui adore le sexe", a été la clé de son déblocage sexuel.
"Si l'on pouvait entendre parler des sexualités plus tôt dans nos vies, et faire en sorte que les mots liés au sexe ne soient pas ultra-tabous ou infantilisés à tel point qu'on n'ose presque pas les employer, même adulte, ça changerait beaucoup de choses", affirme Lisa.
Sur scène elles diffusent d'ailleurs les images de The Sex Education Show, un programme britannique dans lequel l'éducation sexuelle est abordée avec des lycéens. Réellement abordée. On voit des sexes d'homme et de femme, on parle masturbation, plaisir féminin et masculin, MST et IST.
De quoi ridiculiser notre pauvre journée de sensibilisation de 6e qui consistait à se mettre une capote sur un doigt ou une banane, et certainement pas à parler du fait que le sexe, ça fait du bien au-delà de faire des enfants.
"J'ai une petite fille, je lui ai dit que le sexe procurait aussi du plaisir, et que son sexe ne s'appelait pas zézette, mais vulve", raconte Claire. Expliquer tôt à quoi sert chaque partie du corps sans y mettre de conditionnement sociétal de honte ou d'interdit semble essentiel. Accepter la communication au sein de la famille pour favoriser des sexualités épanouies et donc une vie épanouie, aussi.
Sexpowerment, au final, ça parle de sexe, du corps, de comment prendre le pouvoir du sien, mais surtout de la vie. Et de l'importance de l'un dans l'autre. C'est "joyeux, pop et vulnérable", comme le disent Claire Assali et Lisa Wisznia. Et ça fait du bien.
On y retournera sans aucun doute, mais cette fois avec notre copain, notre copine, notre frère, et même nos parents. Pour faire entendre la bonne parole à celles et ceux qui ne sont peut-être pas encore convaincu·es, et qui méritent d'y voir plus clair.
Sexpowerment , La Nouvelle Seine, 3 quai de Montebello, Paris 5e.
Tous les mercredis à 21h30, puis les mercredis et jeudis à 21h30 à partir de janvier