"Je me demande jusqu'à quand les femmes vont se faire cyberharceler avant qu'on les écoute ? Ca fait deux ans que je vis un cyberharcèlement ciblé envers ma personne, envers ma qualité de femme - car c'est tout ce qu'on me reproche". Elles sont puissantes, ces phrases de la chanteuse et vidéaste Sindy. Sur sa chaîne Youtube, la jeune femme a sensibilisé ses 444 000 abonnés au cyberharcèlement, dont elle est elle-même victime.
Dans sa vidéo à juste titre intitulée "Jusqu'à quand ?", Sindy relate cette douloureuse expérience, qui perdure, et dénonce l'impunité insupportable des harceleurs sur les réseaux sociaux. "Ca fait deux ans que je reçois des photos non-désirées de bites et des menaces de viol. C'est très très grave. On me dit : 'Je vais te mettre dans un coffre, je vais te violer jusqu'à tu tournes de l'oeil, je vais t'enculer jusqu'à ce que tu agonises...' Ce sont des messages que je lis tous les jours depuis deux ans", poursuit la jeune femme, la voix chargée en émotions.
Une violence systématique et insoutenable. Mais c'est justement pour changer cette situation, et mettre en lumière les violences verbales, sexuelles et psychologiques dont sont victimes bien trop de filles et femmes sur Internet, que Sindy a tourné ce vlog, et lancé un hashtag : #CyberSindy. Comme un appel à faire bouger les lignes.
"Je suis énervée contre le gouvernement, qui n'est pas en mesure de nous protéger. Mercredi, j'ai fait une crise d'angoisse qui a conduit à la visite des pompiers chez moi, tellement cette situation me fait peur. Il n'y a rien qui justifie que je vive ce quotidien-là, ni moi ni aucune femme. Il n'y a rien qui justifie qu'on harcèle quelqu'un", fustige encore la chanteuse de 26 ans, qui en appelle dans sa vidéo à l'union entre créatrices et créateurs du web "pour faire porter la justice jusqu'aux agresseurs, pour que la peur change de camp".
Dans ce vlog, la vidéaste, qui a également été victime de cambriolage à son domicile, évoque le poids que représente le fait de devoir faire des captures d'écran des menaces, insultes et dick pics reçues. Mais aussi ce qui pèse sur les femmes au quotidien : inquiétude la nuit en rentrant chez soi, mais aussi à n'importe quelle heure dans les transports en commun, ou encore dans la rue...
Ce témoignage a suscité beaucoup de réactions, dont celles des militantes féministes. Le collectif Nous Toutes s'est exprimée : "Les violences sexistes et sexuelles, c'est aussi sur internet. Le cyberharcèlement est dangereux. Ce n'est pas parce qu'on est anonyme qu'on peut harceler et agresser une femme, en la menaçant de viol, d'agression, de mort. Ces propos peuvent causer des dommages psychologiques graves".
Et l'association de rappeler à juste titre que le cyberharcèlement est un délit, les cyberharceleurs pouvant être condamnés par la loi à deux ans de prison et 30 000€ d'amende.
L'expérience de Sindy rappelle les témoignages ponctuant le documentaire Sale Pute, comme celui de la journaliste et autrice Lauren Bastide : "Il y a beaucoup de résonances entre le cyberharcèlement et la culture du viol. Du commentaire haineux au raid qui fout ta vie par terre, certains semblent réagir de la même façon : 'c'est le 'tarif'. Comprendre, tu n'avais qu'à pas sortir la nuit, ou émettre tel commentaire. Avec la menace du cyberharcèlement, les femmes sont moins prêtes à prendre la parole". Une fatalité contre laquelle s'oppose Sindy aujourd'hui.