Ce qui n'était qu'une colline comme les autres au coeur du désert chinois est rapidement devenu un monument citoyen. Militantes et militants des droits des femmes, mais aussi artistes, ont recouvert une colline en Chine de nombreuses bannières rouges et blanches. On y lit des insultes ("salope") et des menaces ("J'espère que tu vas mourir"). Le nom de cet happening ? "Le musée de la violence sur Internet". Une oeuvre temporaire, qui bouscule.
On le devine, ces messages virulents sont ceux, bien réels hélas, que reçoivent de trop nombreuses femmes et féministes sur les réseaux sociaux chinois, notamment de la part des internautes nationalistes, comme l'énonce le compte Feminist China. En les affichant en banderoles, les principales concernées désirent sensibiliser, et plus encore alerter et dénoncer, quant au sujet trop tabou du cyberharcèlement en Chine.
"Nous voulions faire de ce 'trolling' quelque chose qui puisse être vu, touché, matérialiser ces commentaires et amplifier la sensation d'abus vécue par les individus en ligne", commente Yaging, l'une des participantes, au Guardian. Un fléau qui touche les militantes féministes, et plus globalement celles et ceux qui défendent le respect des droits humains et dénoncent les violences diverses du gouvernement chinois.
"Il est clair qu'il n'y a pas de réseaux sociaux en Chine favorables aux femmes et aux droits des femmes", a affirmé au journal britannique un professeur de sociologue de l'université de Fudan (à Shanghai) qui a préféré garder l'anonymat. En vérité, ce cyberharcèlement systématique ne se limite pas aux insultes ou à l'intitulé plutôt vague de "trolling". Menaces, harcèlement de l'entourage, montages pornographiques... Les diverses formes de violences relayées par le reportage du Guardian laissent sans voix.
Selon le média toujours, ces attaques peuvent aussi bien venir de citoyens ordinaires que des journaux d'État. Une chercheuse affirme ainsi avoir été "lynchée", insultée et diffamée par médias interposés car ses recherches universitaires n'étaient pas vraiment du goût du gouvernement chinois. Se tisse dès lors au sein de ce système d'intimidation un lien aussi pernicieux qu'indéniable entre les vagues de harcèlement massif sur les réseaux sociaux (par des voix anonymes), la rédaction des articles de propagande et la censure gouvernementale.
La modération des réseaux laisse à désirer : bien souvent, ce sont les comptes des victimes qui se voient bloqués, pas ceux des agresseurs. D'où la symbolique puissante de ce "musée de la violence". En matérialisant cette haine en ligne, artistes et militantes rappellent sa réalité par-delà le numérique, et ses déplorables conséquences.