Etre une femme en Somalie est une lutte de chaque instant. Dans un pays en proie à de grands changements étatiques, la condition des femmes est encore loin d'être au programme de l'agenda politique du président Hassan Sheikh Mohamoud. Alors qu'un Somalien sur cinq est un réfugié ou un déplacé, la question du viol n'est semble-t-il pas encore la priorité des élus.
Et pourtant les agressions sexuelles se répandent telle une traînée de poudre dans cette région en proie à une domination partielle du groupe terroriste Al-Shabaab. Comme le viol, l'excision s'est également banalisée et 98% des Somaliennes ont été forcées de subir une ablation de leur clitoris. Face à l'immobilisme policière, une poignée de femmes a décidé de se défendre seule, grâce à la pratique d'un sport de self-défense tout nouveau en Somalie : le taekwondo.
Après s'être enfui de son pays il y a quelques années, Ahmed Mohamed Hajji a trouvé refuge en Ethiopie où il a commencé à s'entraîner très sérieusement à cet art martial d'origine sud-coréenne. Une révélation pour le jeune homme, qui décide de rentrer à Mogadiscio pour faire découvrir sa passion à ses concitoyens. D'abord exclusivement pris d'assaut par des hommes, son cours prend alors une toute autre dimension lorsqu'il y accueille une femme pour la toute première fois en juin dernier.
C'est seule parmi 29 hommes, qu'Ugbad Hassan s'entraîne pour réussir à devenir une grande championne un jour, mais pas seulement. Rapidement rejointe par d'autres jeunes femmes, ces dernières ne cachent pas les véritables raisons de leur venue, à l'image de Hodan Habdirahman, une étudiante qui répond aux questions de l'AFP :
"J'ai commencé le taekwondo l'année dernière, parce que les cas de viols en ville étaient de plus en plus nombreux. Je m'entraîne parce que je veux savoir me défendre de n'importe quelle attaque sexuelle."
Depuis, elles sont une dizaine à avoir pris leurs marques dans le cours du professeur Hajji, qui espère que d'autres femmes oseront pousser la porte de son école de taekwondo malgré le poids des traditions qui pèse sur leurs épaules. Sur le site Hiiran, il lance un appel aux autorités pour renforcer sa démarche :
" J'espère que notre gouvernement considèrera un jour qu'il est nécessaire de m'apporter du soutien. C'est un sport de professionnels, qui peut donner à la jeunesse d'aujourd'hui une chance de s'en sortir ".
L'ambitieux instructeur affiche clairement son projet de faire du taekwondo un sport de haut niveau en Somalie, mais il sait aussi que l'utilité de son enseignement est tout autre par les temps qui courent. Si sa classe se déroule selon les principes de la mixité et qu'il ne fait aucune distinction entre les hommes et les femmes, ces dernières sont bien les seules à bénéficier d'un tarif 100% gratuit.