Alors que la Journée internationale des droits des femmes a eu lieu il y a quelques jours, le terme égalité salariale hommes-femmes était sur de nombreuses lèvres. En France, l'égalité salariale des sexes au travail reste en effet loin d'être atteinte. "Tous temps de travail confondus, les femmes touchent au total un salaire 25,7 % moins élevé que celui des hommes ou, dit autrement, les hommes gagnent 34,6 % de plus que les femmes. Plus on s'élève dans la hiérarchie des salaires, plus les écarts sont grands", rappelle l'Observatoire des inégalités.
Mais le salaire ne représente malheureusement pas la seule inégalité professionnelle. En France, comme dans de nombreux autres pays occidentaux, les femmes accèdent encore difficilement à des postes à hautes responsabilités, contrairement à leurs homologues masculins. Ce phénomène est décrit par les sociologues comme le "plafond de verre", expression née aux États-Unis dans les années 70 pour désigner cet obstacle invisible auquel les femmes se heurtent dans l'avancée de leur carrière.
Selon l'indice du plafond de verre 2017 de The Economist, les femmes françaises occupent 31,7% des postes de direction, et tiennent le troisième rang dans les conseils d'administration. Au plafond de verre, s'ajoute parfois un autre phénomène qui nuise au bon déroulement de la carrière des femmes : celui du "syndrome de la reine des abeilles".
Si vous avez vu lu le livre Le Diable s'habille en Prada de Lauren Weisberger, impossible d'oublier la tyrannique et intimidante patronne Miranda Priestly, inspirée par le personnage réel d'Anna Wintour (rédactrice en chef du magazine Vogue US) et incarnée avec brio par l'actrice Meryl Streep dans le film éponyme. Cette grande prêtresse de la mode montre peu de considération envers ses collaboratrices et les traitent comme de simples subalternes, sans jamais témoigner le moindre signe de gratitude ou de reconnaissance. Ce portrait un brin caricatural résume bien l'esprit de ce que les sociologues appellent le syndrome de la "reine des abeilles."
Le principe est simple : bien assise sur son trône, la reine des abeilles régnerait sans pitié sur son équipe (les femmes surtout) afin d'asseoir son autorité et semble prête à écraser quiconque se mettra en travers de son chemin. Une théorie renforcée par une étude américaine parue en mars 2015 selon laquelle les chances pour une femme d'accéder à des responsabilités au sein d'une entreprise sont réduites de 50% lorsqu'une autre femme de la même société vient elle-même de recevoir une promotion.
En 2004, le livre La femme est un loup pour la femme paraissait en France. Écrit par les deux entrepreneures américaines, Pat Heim et Susan Murphy, l'ouvrage suggère comment les femmes se retrouvent beaucoup plus souvent en conflit qu'avec les hommes ou que les hommes entre eux. Leur analyse s'appuie en partie sur une étude réalisée en 1973 par des chercheurs du Michigan (États-Unis), première à mentionner le syndrome de la reine des abeilles ("Queen bee syndrome ").
Pour ne rien arranger, les femmes qui se voient couronner du statut de "reine des abeilles", se montreraient cruelles et éprouveraient un plaisir proche du sadisme à exercer leur autorité sur leur employées. Mais cette image correspond-elle vraiment à la réalité ?
Ces dernières années, plusieurs études sont venues démentir cette théorie. Dans son livre Rivalités féminines au travail (2014), la psychologue Annik Houel explique que l'absence de conflits entre femmes dans le cadre du travail est "davantage considérée comme une exception que comme la norme." L'autrice rajoute que la rivalité masculine dans le monde du travail est rarement mentionnée.
Le rapport 2013 sur les relations de travail entre les hommes et les femmes indiquait qu'en France, les actes de sexisme au travail sont ressentis comme étant exclusivement le fait d'hommes dans 50% des cas, d'hommes et de femmes indifféremment dans 33% des cas, et d'une femme ou d'un groupe de femmes dans seulement 2% des situations. Ces résultats se font l'écho d'une étude nord-américaine du Workplace Bullying Institute, selon laquelle 69% des hommes sont considérés comme des tyrans, contre 31% des femmes.
Une autre étude menée par le site Catalyst a par ailleurs démontré que les femmes seraient plus disposées à s'entraider dans le cadre du travail (65%) que leurs homologues masculins (56%). Il serait donc peut-être plus judicieux de s'attarder sur la faible représentation des femmes dans les postes à haute responsabilité dans les entreprises, plutôt que de s'arrêter au cliché selon lequel les femmes sont cruelles et intraitables dès qu'elles sont amenées à travailler ensemble.