"Une heure de lecture est le souverain remède contre les dégoûts de la vie". Ces mots sont de Montesquieu et ils résonnent particulièrement avec cette sélection de livres. Car si la lecture permet de s'évader de son quotidien, se plonger dans ces livres-là, c'est justement se jeter à pieds joints dans les pires dégoûts de la vie. Mais n'est-ce pas aussi ce qui fait le charme d'un roman policier ? Alors on vous promet du lugubre, des morts, des jeux de dupe, mais aussi de l'héroïsme et de la pureté. Tout ça écrit par cinq plumes féminines, mais pas moins acérées.
De quoi ça parle : L'inspectrice Vanessa Castro a délaissé la pluvieuse Seattle pour refaire sa vie à Seaside, une bourgade qui doit son économie florissante à Wonderland, un parc d'attraction. Mais sitôt arrivée, la nouvelle chef adjointe va être emportée dans une enquête aux accents de mauvais film d'horreur : des ados embauchés pour la saison à Wonderland disparaissent les uns après les autres. Le parc serait-il diabolique ?
Pourquoi on aime : Si vous avez aimé Joyland, l'un des derniers romans en date de Stephen King, pas de panique. Jennifer Hillier a beau être une fan incontestée du maître (c'est elle qui le dit), son Wonderland est unique. Tissant son intrigue autour d'un parc d'attractions au lourd passé, la romancière pose tranquillement les jalons d'une intrigue sordide. Pédophilie, disparitions répétées d'adolescents, personnages qui cachent de lourds secrets... A Seaside, rien n'est ce qu'il semble être, à l'image de cette fête foraine de façade. Au-delà de son très bon scénario, on apprécie la capacité de Jennifer Hillier a rendre ses personnages vivants, tout comme son utilisation parfaite des réseaux sociaux. Wonderland est un thriller dans l'air du temps, et un véritable page turner, ce qui ne gâche rien.
Ed. Hugo & Cie, 360 pages, 19,95€
De quoi ça parle : Le 18 juillet 1995, Amy est enlevée sur le chemin retour du lycée. Retrouvée quelques jours plus tard à l'article de la mort, elle est depuis plongée dans un coma profond. 15 ans plus tard, Alex, une journaliste alcoolique et clairement sur le déclin, croise la route d'Amy lors d'un reportage sur l'hôpital où la jeune femme séjourne. Très vite, Alex va se souvenir de la disparition d'Amy, des accusations qui ont pesé sur son beau-père et de l'enquête qui a piétiné. Malgré le silence des proches, la journaliste va rouvrir l'enquête et tenter, toute seule, de mettre la main sur le coupable.
Pourquoi on aime : De Gillian Flynn à Mary Kubica en passant par Elizabeth Little et même Jessica Knoll, quand on évoque le renouveau du thriller au féminin, ce sont bien souvent des auteures américaines qui nous viennent en tête. Mais plus près de nous, en Angleterre, il y a aussi du beau monde. Holly Seddon en est l'exemple parfait. Ayant bien digéré le succès mondial de La fille du train de Paula Hawkins, elle offre avec Retiens ton souffle, un premier roman qui a toutes les clés pour devenir un best-seller. Une héroïne usée par la vie, des secrets en pagaille, des personnages hantés par leur passé... mélangez le tout et vous obtenez un livre capable de vous emporter dans une bonne petite nuit d'insomnie. Autre bon point de ce roman ? La construction qui alterne entre les points de vue, rappelant un autre thriller britannique qui nous avait marqué plus tôt cette année : Ce que tu veux de Sabine Durrant.
Ed. City, 382 pages, 20€
De quoi ça parle : Et une nouvelle enquête pour l'inspecteur-chef Gamache, une ! De passage dans le petite village de Three Pines pour assister au vernissage de son amie Clara, le flic québécois se trouve bien embêté quand un corps sans vie est découvert dans le jardin de la peintre. Surtout que très vite, Clara avoue à Gamache qu'elle connaissait la victime, une critique d'art avec qui elle partage un passé houleux. Mais si Clara est suspecte, elle est loin d'être la seule. Pendant qu'ils mènent l'enquête, l'inspecteur et son adjoint Beauvoir vont vite se rendre compte que si le monde de l'art est glamour, il repose avant tout sur des faux-semblants. Une véritable illusion d'optique...
Pourquoi on aime : Digne héritière d'Agatha Christie, Louise Penny maîtrise à la perfection le roman d'énigme. Ici, son célèbre inspecteur Armand Gamache, revient à Three Pines, une petite bourgade tranquille du Québec, où il avait déjà mené une enquête dans le roman précédent, Révélation brutale. L'occasion pour le lecteur de retrouver quelques personnages mais aussi de découvrir un univers bien particulier : celui de l'art. D'un côté les artistes à la recherche de reconnaissance, de l'autre, les marchands d'art et les critiques qui peuvent faire ou défaire une carrière. Et au milieu de tout ça : l'inspiration créatrice, l'hypocrisie et les coups bas. Ce nouveau roman de Louise Penny est une bonne cuvée et il se savoure avec un grand plaisir, et cela même si on n'a pas lu le tome précédent.
Ed. Actes Sud, 432 pages, 23€
De quoi ça parle : Après une enfance difficile faite de petits larcins et de combines, la narratrice anonyme commence à se prostituer. Pas dans la rue, mais à l'arrière de la boutique d'une diseuse de bonne aventure, où elle masturbe des hommes. Mais au bout de trois ans, le syndrome du canal carpien l'oblige à raccrocher. Pas de problème, cette héroïne incongrue est rapatriée à l'avant de la boutique et devient diseuse de bonne aventure à son tour. C'est là qu'elle rencontre Susan Burke, une femme aisée persuadée que le manoir dans lequel elle a emménagé est hanté...
Pourquoi on aime : Publiée à l'origine dans un recueil dirigé par George R.R. Martin (Game of Thrones), cette nouvelle de Gillian Flynn s'offre une édition rien qu'à elle et enfin publiée en français. Bonne nouvelle, même lorsqu'elle passe sur un format court, l'auteure américaine réussit à tourmenter nos méninges. Noire, acérée, mais aussi très drôle, cette histoire inédite élève la manipulation au rang d'art. Outre les rebondissements et les twists qui s'enchaînent, on notera l'hommage évident à de grands ouvrages de la littérature que Gillian Flynn cite avec un plaisir non dissimulé : Le Tour d'Écrou d'Henry James, Maison hantée de Shirley Jackson, ou encore La Dame en blanc de Wilkie Collins. Des romans à l'atmosphère angoissante qui font écho à celle de Nous allons mourir ce soir. A dévorer en attendant la nouvelle oeuvre de la reine du thriller.
Ed. Sonatine, 72 pages, 7€
De quoi ça parle : Ce vendredi aurait pu être totalement banal. Mais Jo, un junkie en manque décide de tenter le tout pour le tout. Armé et cagoulé, il pousse la porte d'une supérette de banlieue pour dérober les quelques euros qui le séparent de sa dose d'héroïne. En quelques secondes, les clients présents vont devenir otages, et ce braquage qui devait durer quelques minutes va se transformer en carnages. Car face à l'impensable, les " gens normaux " peuvent aussi se transformer en bourreaux.
Pourquoi on aime : Dans ce huis clos étouffant aux allures de comédie humaine, l'auteure belge Barbara Abel dissèque avec précision chaque personnage, révèle leurs failles, met à jour leurs secrets, tout ça en distillant une bonne dose d'angoisse. Un couple adultère, une jeune maman qui a laissé son fils de 3 ans à la maison, une vieille harpie et son aide-soignante... en poussant la porte de cette supérette de quartier, le junkie devenu bandit va se retrouver au milieu de personnalités pas si naïves que ça. A mesure que les pages défilent, la ligne entre victimes et bourreaux devient de plus en plus floue, et brebis et loup vont se confondre. Un roman choral aux allures cinématographiques qui tient en haleine, et surtout, qui pousse à se questionner. Et nous, comment réagirions-nous face à un tel drame ?
Ed. Pocket, 352 pages, 6 ,95€
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