Marie-Hélène Lahaye : Le fait que la ministre ait réagi est quelque chose de très positif, parce que cela fait de longs mois qu'on attendait une réaction des pouvoirs publics qui ne s'étaient pas exprimés après la diffusion de notre tribune sur les touchers vaginaux. Les choses bougent et je pense que c'est dû à la conjonction d'actions menées pendant ces mois derniers sur les réseaux sociaux et l'émission de France Culture sur les violences gynécologiques, qui a connu un gros retentissement. Au Ministère, ils se sont rendus compte qu'il était temps de s'emparer du sujet, et c'est positif à mes yeux.
La mise en place de centres de simulation et le lancement d'une mission d'inspection annoncés mardi sont une avancée, car les affaires sociales vont vraiment s'impliquer dans ce domaine. A mes yeux, Marisol Touraine a été aussi loin qu'elle pouvait aller en tant que ministre de la Santé en prenant ces mesures, car elle ne peut évidemment pas être dans chaque cabinet de gynécologie ou chaque hôpital. Mais quand je vois les réactions du monde médical à la suite de ces annonces, je suis abasourdie par les propos de certains médecins qui se disent scandalisés par ces déclarations et qui ne semblent toujours pas comprendre cette polémique.
M-H L : Je connais la position de Martin Winckler mais pour moi c'est surtout un problème d'application de la loi. La loi Kouchner de 2002 dit clairement qu'il faut obtenir le consentement libre et éclairé du patient avant chaque acte médical. Et c'est une procédure très simple au fond ! Il suffit d'expliquer en quoi consiste le traitement au patient, de lui présenter les inconvénients et les avantages, mais également de lui parler des risques, du potentiel de guérison, et enfin des alternatives. C'est un dialogue avec le patient qu'il faut instaurer. Mais les médecins ne comprennent pas cela, pour eux, le consentement, c'est un papier en plus à faire signer par la secrétaire ! C'est comme ça qu'ils le voient, comme quelque chose qui les enquiquine. Et c'est cela que je voudrais faire passer comme message : ce n'est pas une question de papier, c'est une question de relation avec le patient. Il faut que le médecin et le patient soient d'égal à égal.
En fait la question du consentement illustre le complexe de supériorité des médecins, cette volonté des médecins de ne pas s'abaisser au niveau du patient. Or, aujourd'hui, les gens ont accès des données médicales et veulent comprendre ce qu'on va leur faire, voire être impliqués en toute bonne foi dans les décisions. Et ils ne comprennent pas que le médecin adopte cette position autoritaire et paternaliste en disant "c'est ça ou rien". Donc ce sujet met en lumière ce qui ne va pas avec les médecins français.
M-H L : Je ne sais pas si les médecins sont sexistes mais ce qui est certain, c'est qu'il y a un tabou qui est tombé sur la manière dont ils prennent en charge les femmes. Les langues se délient et de plus ne plus de femmes apportent leurs témoignages, notamment grâce aux réseaux sociaux. Je pense que cela ne va pas s'arrêter là, que les polémiques vont se succéder jusqu'à ce que les médecins acceptent enfin de se remettre en question. Mais pour que la situation change réellement, il faut que la formation des médecins soit profondément repensée : la notion de consentement doit être à la base de l'apprentissage de la médecine, tout comme l'écoute du patient.
A présent que la Ministre a réagi, il faut attendre de voir ce que l'Ordre des Médecins va faire. Il est temps que les médecins eux-mêmes prennent position sur ces questions pour changer les choses. Ils sont attendus au tournant.