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
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
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
Il y a des archives télévisuelles qui nous choquent en 2025.
Celle-ci en fait partie. Dans son émission Rembob'INA du 10 février, diffusée sur la chaîne LCP, Patrick Cohen est revenu sur la médiatisation des viols dans les années 70, en France. En invitant notamment l'autrice et journaliste Giulia Foïs pour réagir, le programme a donné à voir l'archive INA d'une enquête du magazine Vendredi, en 1976. Celle-ci était axée sur le récit d’une jeune auto-stoppeuse violée par l’automobiliste qui l’avait prise en charge, qui a dû affronter le regard accusateur de la justice et de la police.
A l'époque, c'est l'une des premières fois qu'une telle affaire est médiatisée. Aujourd'hui, un tel reportage est - il faut l'avouer - difficile à regarder.
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Dans l'émission de 1976, on entend le journaliste qui narre l'histoire en voix off : "Une auto-stoppeuse qui se fait violer n'a que ce qu'elle mérite. C'est la conclusion que l'on tire d'une décision récente de la Cour d'Appel de Colmar, qui réduisit de moitié la peine de prison d'un automobiliste violeur."
Pour "justifier" cette réduction de peine, la parole est ensuite donnée à Jean Ullman, le Président de la Cour d'Assises de Paris entre 1972 à 1977. "Je pense que dans l'appréciation de la peine qu'il convient d'appliquer à l'auteur d'un viol au préjudice de l'auto-stoppeuse, il faut tenir compte du fait que cette victime a pris un risque en montant dans une voiture avec un garçon qu'elle ne connaissait pas", déclarait-il à l'époque.
L'interview du Président de la Cour d'Assises continue :
On peut faire la comparaison avec un automobiliste, qui passant sur une route à l'écart d'une agglomération aperçoit une jeune fille dont la silhouette lui plaît, qu'il se précipite sur elle et qu'il la viole (...), il est certain que la peine qu'il convient d'appliquer doit être plus forte que pour celui qui n'a pas été provoqué. L'attitude de la victime doit entrer en ligne de compte.
Si l'on comprend bien, la peine applicable à un auteur de viol doit selon lui dépendre de l'attitude qu'avait la victime. "C'est une provocation indirecte", insiste-t-il. "Il est certain que les hommes sont ce qu'ils sont, qu'il faut éviter d'allumer un garçon et puis après faire machine arrière après avoir laissé espérer une issue - si j'ose dire - favorable."
Après la diffusion de l'archive, la journaliste Giulia Foïs, elle-même victime de viol, qui milite depuis des années pour les droit de la femme, a été invitée à réagir. D'après elle, si les discours utilisés à l'époque peuvent choquer, ils ne sont pas si dépassés.
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Ce qui m'a frappée, c'est combien les choses avancent lentement. Elle a été effectivement très mal reçue dans un commissariat, ce qui est encore le cas aujourd'hui de 52% des femmes qui sont violées. Les premières questions qu'il lui pose c'est sur son comportement à elle, et c'est aujourd'hui encore ce qu'on fait.
Les représentations qu'on a sur le viol n'ont pas tant bougé que ça. On est encore, si je condense toutes les enquêtes, à 30 % des Français qui pensent qu'une victime est co-responsable si elle était habillée dans une tenue sexy, si elle avait bu un peu d'alcool.
Un triste constat qui rappelle l'importance de l'engagement et du travail dont font preuve des personnalités telles que Giulia Foïs.