Lors d'une scène poignante située vers la fin de Still Alice, Lydia, incarnée par Kristen Stewart, demande à sa mère, Alice, ce que ça fait d'avoir la maladie d'Alzheimer. Celle-ci lui explique alors simplement la lente descente aux enfers que représente cette maladie qui se caractérise en premier lieu par des troubles de la mémoire.
"J'ai des jours avec et des jours sans. Dans mes bons jours, j'arrive presque à passer pour une personne normale, mais dans mes mauvais jours, j'ai l'impression de ne plus me retrouver", explique la brillante professeure, les yeux embués. "J'étais caractérisée depuis toujours par mon langage, mon intellect, ma facilité d'élocution et aujourd'hui, par moment, je vois les mots, suspendus devant mes yeux et je n'arrive pas à les attraper... Je ne sais plus qui je suis, ni ce que je vais perdre encore."
Cette séquence, sans doute la plus bouleversante du film, illustre à la fois la souffrance et l'isolement des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Car ce qu'on retient de ce mélodrame porté par la performance émouvante de Julianne Moore, qui vient d'obtenir l'Oscar, c'est en effet que les gens qui souffrent de cette maladie doivent en outre faire face à l'incompréhension de leur entourage. Comment comprendre, voire comment accepter qu'une mère peine à reconnaître sa fille, ou oublie que son autre fille vient d'accoucher, comme cela arrive à Alice ?
Cette solitude profonde est montrée avec précision dans le film : on comprend ainsi que la seule personne qui cherche à comprendre vraiment ce que traverse l'héroïne est sa fille cadette qui décide de s'installer avec elle. Son mari et ses deux autres enfants sont si protecteurs avec Alice qu'ils n'arrivent pas à écouter son désarroi, pensant avant tout à son bien-être, à ce qui lui rendrait la vie plus facile. En ce sens, ils contribuent malgré eux à isoler Alice.
La force de Still Alice, c'est cependant de ne sombrer à aucun moment dans le registre glauque ou tragique. S'attachant à montrer avec pudeur la déchéance d'une femme, le film dépeint aussi la force de l'amour, symbolisée par Lydia, dont l'empathie à l'égard de sa mère est infinie. L'amour, le mot sur lequel se termine ce film sur une linguiste qui a, justement, perdu ses mots.