Dans la longue histoire des observations erronées de la science sur la sexualité féminine, figure en bonne place celle de l’hystérie (du grec hystera qui signifie utérus), identifiée dès Platon. Au XIXe siècle, ce désordre de l’amour préoccupe tout autant que la nymphomanie, car, comme le rapporte Louyer-Villermay, l’un des grands médecins de cette fin de siècle, il s’agit de « désir violent et déréglé des plaisirs de l’amour ; bientôt oubli de tout sentiment de pudeur, obscénité dégoûtante, irritation vaginale, délire partiel ou monomanie prononcée, avec asservissement des facultés mentales à l’empire effréné du système utérin »*.
Les femmes ne doivent faire l’amour ni trop souvent, ni pas assez, car d’un dérèglement viendrait toutes une série de fâcheux désagréments : anxiété, insomnies, nervosité, irritabilité…
C’est ainsi qu’à la fin du XIXe siècle, les médecins développent une méthode pour soigner cette maladie si féminine, en procédant à de savants massages du clitoris, jusqu’à obtention d’un « paroxysme libérateur » (en d’autres termes, un orgasme), tout au moins jusqu’à la prochaine consultation. Parce que les séances durent en moyenne une heure et fatiguent les poignets des médecins traitants, dès 1869, le premier vibromasseur (à vapeur) est développé aux États-Unis, pour leur permettre de diminuer la longueur des séances, on passe ainsi de une à 6 femmes par heure. Techniquement compliqué, l’usage nécessite la présence du médecin et la morale ne s’oppose pas à ce traitement puisque la jouissance clitoridienne n’est pas encore reconnue.
Puis, en Angleterre, Dr. Mortimer Granville, invente avec un ami technophile le « Manipulator », premier appareil électrique, qui apaise ses patientes et sauve son poignet d’une tendinite récurrente. C’est sur cette base que la réalisatrice et psychologue américaine, Tanya Wexler, a construit le scénario d’une comédie croustillante, « Oh my God ! », en salles cette semaine. Pour elle, « il y a quelque chose de cette époque et de la rigidité de ses codes moraux qui rend naturellement les choses comiques. Tout le monde prétendait que c’était médical et non pas sexuel, en fait, tout le monde le croyait vraiment ».
En réalité cette « hystérie » préoccupe les hommes depuis Hippocrate. Elle est disséquée par les médecins au cours des siècles, que ce soit les alchimistes de la Renaissance, ou Avicenne (médecin Perse, 980-1307), qui estimait que les femmes ne devaient pas essayer de se soigner seules, mais devaient laisser faire maris et médecins. Les premières séances de « massages » datent, elles, du 17e siècle, lorsque l’on conseillait également aux femmes de faire du cheval ou de la balançoire…
David Cronenberg sort prochainement un film sur le même sujet, « A dangerous Method », l’histoire de Carl Jung, qui entreprend de psychanalyser Sabina Spielrein, 18 ans, pour son « hystérie », sous l’inspiration des travaux de Freud.
La préoccupation serait-elle intacte ? Car si l'hystérie a disparu des psychopathologies, elle a été un élément si central du travail de Freud, qu’on en trouve encore partout des stigmates. Si le corps médical parle maintenant de troubles somatoformes, l’une des insultes les plus populaires à l’encontre des femmes reste bien celle d'« hystérique ».
* in Alain Corbin « L'harmonie des plaisirs », éditions Flammarion.
Voir la bande annonce du film « Oh my God ! »
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