Ramin (Aran-Sina Keshvari) aime humer les fleurs, faire des herbiers, se baigner dans les lacs, courir dans la forêt, se chamailler avec sa soeur et retrouver son meilleur ami Jigi à l'école. Ramin est un gamin finnois de 13 ans comme les autres, en apparence. Mais une ombre de gravité traverse son regard à intervalles réguliers. Car Ramin est un exilé. Sa famille et lui vivent dans un centre d'accueil en Finlande, dans l'attente de leur demande d'asile. Il ne leur reste qu'un dernier recours. Et chaque courrier prend des allures d'épée de Damoclès.
Pour son premier film, le réalisateur finno-iranien Hamy Ramezan nous plonge dans le quotidien d'une famille de réfugiés, librement inspiré par sa propre expérience d'enfant contraint de fuir son pays en guerre à l'âge de 7 ans. Son histoire, il la raconte à travers les yeux de son petit alter ego fictionnel.
"La guerre hideuse entre l'Iran et l'Irak a duré 9 ans. Tous nos droits humains ont été violemment dépouillés, nous laissant sans espoir. On ne peut survivre aux conséquences de la guerre si longtemps. Nous voulions vivre. C'est ainsi que nous sommes partis en Finlande, à 4129 km de chez nous", nous explique le cinéaste.
Ce qui surprend dans Any Day Now, c'est avant tout sa délicatesse. Se gardant de tout misérabilisme, Any Day Now s'attarde sur la tendresse de cette tribu déracinée, sur ses petits rituels. Ici, on chante, on rit, on s'enveloppe de douceur, on grappille des instants de bienveillance précieux après un exode que l'on imagine douloureux.
"Pendant la phase d'écriture, j'ai écrit des versions tellement plus sombres sur la vie des réfugiés, pleines de désespoir, que j'ai eu envie de tout arrêter. Je suis allé en Grèce sur l'île de Lesbos, en pleine mer, j'ai été témoin de tragédies dévastatrices, et j'ai marché avec les demandeurs d'asile de la Grèce à la Finlande. J'ai vécu une nouvelle fois le périple de mon enfance, même si c'était très différent, avec le regard d'un adulte se revoyant enfant", développe Hamy Ramezan.
"Je ne voulais pas écrire des choses aussi horribles, mais quand je m'y suis remis, tout a changé. J'ai changé. Je pourrais me poser pendant dix ans, je n'arriverai pas à donner un sens à tout ça, à mon traumatisme. Quand j'ai compris ça, j'ai arrêté d'écrire et j'ai recommencé à zéro, en pensant au côté humain et à mes souvenirs heureux."
En se glissant dans l'intimité de la famille Mehdipour, Hamy Ramezan parvient à redonner un nom, un visage, une vie à ces personnes trop souvent réduites à des statistiques, à des ombres échouées sur les côtes ou des masses compactes qui se pressent aux frontières. A ce mot froid et désincarné : des migrants. "Je ne me rappelle pas avoir été un 'réfugié', mais je me rappelle avoir eu 7 ans", souligne Hamy Ramezan. "Dans le film, il n'y a pas de réfugiés : il y a des familles, des amis, des voisins et des gens fiers, qui restent fidèles à leurs valeurs. Peu importe les épreuves qu'ils ont traversées, ils restent positifs et forts face à l'adversité."
Le film s'écarte ainsi du drame social pour tisser un joli récit d'apprentissage. Flanqué de son meilleur ami aussi blond qu'il est brun, Ramin sirote sa première gorgée de bière, tombe amoureux, se fait sa place dans ce pays qui lui a offert un nouveau départ. Any Day Now épouse la légèreté de la jeunesse, tout en s'imprégnant d'une tonalité douce-amère. Car l'insouciance du jeune garçon s'est déjà étiolée. Il le sait : la parenthèse enchantée a sans doute une date d'expiration.
En résulte un coming of age à la fois lumineux et mélancolique, un beau portrait profondément humaniste et émouvant, qui agit comme un onguent en ces temps sclérosés par la haine et l'intolérance.
Any Day Now
Sortie le 8 décembre 2021
Un film réalisé par Hamy Ramezan
Avec Aran-Sina Keshvari, Shahab Hosseini...