J’avais dix ans lorsque Pauline Lafont disparut. Gironde, trop sexy pour les enfants de mon âge, Pauline faisait partie de ces femmes qui, à l’instar des cocogirls de Collaro, faisaient frétiller les pères de famille des eighties en même temps qu’elles plaisaient à la ménagère pour son côté « proche du peuple ». Récemment propulsée, à 25 ans, avec L’Été en pente douce, film sulfureux dans lequel elle donnait la réplique à Jean-Pierre Bacri et Jacques Villeret, Pauline était en train de devenir une « star ».
De ce film, je garde des souvenirs sépia dans lesquels se superposent des images de L’été meurtrier, du Grand chemin ou du Bossu. Moiteur, langueur, grillons et érotisme latent, les années 80 offraient alors au grand écran des opus estivaux calqués sur ce même modèle qu’aujourd’hui, on n’ose plus.
Le 11 août 1988, veille de mon anniversaire, Pauline se volatilisa. Dans ma famille, j’entendais les adultes disserter longuement sur ce mystère. Jeune, belle et trop sexuée pour être honnête, la disparition de la pin-up laissait libre cours aux fantasmes de chacun. A la télévision, chaque jour, on relatait l’« affaire ». Partie seule faire une promenade autour du Serre de Pomaret, la demeure familiale, l’actrice s’était ensuite volatilisée. La forêt, pourtant passée au crible, n'offrait aucun indice. L’été a passé, et la belle Pauline était toujours introuvable. Retraite en communauté, fugue en Chine, couvent… les spéculations continuèrent d’aller bon train pour expliquer cette étrange disparition dont nul ne pouvait se résoudre à penser qu’elle signifiait que la jeune femme avait tout bêtement quitté la vie.
C’est un jour de novembre, 3 mois et 10 jours plus tard, que la nouvelle tomba pourtant. Pauline Lafont avait été retrouvée par un berger à 4 kilomètres seulement de la propriété. Au-dessus de son corps, un pic de 10 m justifia rapidement le décès : Pauline était tombée, et était morte sur le coup. C’est tout.
Paris Match (« Match », comme on disait alors) fit sa une du visage rayonnant de celle qui ressemblait tant à Bernadette, pour qui tout espoir avait été soudainement anéanti.
Longtemps, j’ai guetté dans les yeux de l’actrice, inoubliable mère de Charlotte Gainsbourg dans L’Effrontée, cette douleur, ce chagrin, qu’on imagine inouï. Pourtant, c’est de ce rire et de cette gouaille inoubliables qu’elle nous gratifia des années encore.
Aujourd’hui, vingt-cinq années presque jour pour jour après la mort de Pauline, Bernadette quitte subitement la scène, alors qu’on la disait quasiment remise de l’AVC qu’elle avait subi le 1er juillet dernier.
Aujourd’hui encore c’est l’été. Ce soir, les conversations tourneront autour de Bernadette, mais aussi, j’en suis certaine, de Pauline, tant le reflet de ces deux femmes restera à jamais confondu dans la mémoire populaire.
Deux femmes partie l’été. En pente douce.